"En juin, nous avons détecté le panache se déplaçant lentement (0,27 km/h) au sud-ouest de l'endroit où se trouvait la plate-forme qui a explosé", précise Richard Camilli, chef de l'expédition scientifique et principal auteur de cette étude parue dans la revue américaine Science datée du 20 août. "Non seulement nous avons démontré qu'il existe bien un panache de pétrole dans le golfe du Mexique, mais nous avons également déterminé son origine et sa composition", a souligné ce chercheur, un des responsables du Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI), plus grand institut mondial privé d'études océanographiques à but non-lucratif. "Jusqu'alors ce panache était considéré comme théorique", a-t-il rappelé, précisant qu'il n'était pas formé de "pétrole pur" mais que les échantillons prélevés contenaient de nombreux composants pétroliers toxiques. "Nous ne savons pas comment a évolué ce panache (depuis fin juin) car nous ne sommes pas retournés sur place", a toutefois précisé le chercheur lors d'une conférence de presse.
Les analyses chromatographiques d'échantillons faites en juin ont relevé la présence de benzène, de toluène (un dissolvant), d'éthylbenzène et de xylène, des substances toxiques. Les chercheurs ont pu aussi établir que ce pétrole provenait bien de la marée noire ayant résulté de l'explosion le 20 avril de la plate-forme de BP Deepwater Horizon, et non de suintements naturels.
La fuite du puits, à 1.500 mètres de fond, a été arrêtée mi-juillet après que 4,9 millions de barils de brut se furent déversés dans l'océan, mais la plus grande partie du pétrole reste aujourd'hui introuvable.
Le panache s'étend sur au moins 35 km à plus de 900 mètres de profondeur et mesure 1,9 km de largeur sur près de 200 mètres de hauteur, ont estimé ces océanographes lors de cette expédition scientifique à bord d'un navire spécialement équipé.
Ces chercheurs ont expliqué qu'étant donné l'étendue de la masse de ce "nuage" sous-marin d'hydrocarbures diffus et sa biodégradation assez lente, il pourrait "subsister dans l'océan plus longtemps qu'on ne le pensait". "Nombre d'experts ont tablé sur une biodégradation rapide des hydrocarbures (mais) ce n'est pas ce que nous avons observé", a relevé Richard Camilli.
On ne sait pas encore si le risque présenté pour l'écosystème océanique est important car "nous n'avons pas déterminé la toxicité" du nuage, a expliqué Christopher Reddy, un géochimiste marin de l'équipe de recherche. "Nous ignorons également comment et pourquoi ce panache s'est formé", a-t-il ajouté, observant que le fait de connaître "son étendue, sa forme et sa profondeur et la direction dans laquelle il se déplace sera essentiel pour répondre à un grand nombre de ces questions".
L'annonce de cette découverte intervient en pleine controverse sur le fait de savoir où se trouve le pétrole de la marée noire.
Plus tôt cette semaine, des océanographes de l'Université de Géorgie (Sud) ont estimé dans un rapport que près de 80% du pétrole serait encore dans l'océan.
Ils ont ainsi remis en question les évaluations très optimistes du gouvernement américain début août selon lesquelles 74% du brut déversé avaient été éliminés par évaporation, biodégradation, récupération et autres moyens.
AFP/VNA/CVN