>>À Chypre, l'héritage des Templiers est une réalité
Vue aérienne de l'île libyenne de Farwa, à quelque 170 km de Tripoli, le 10 juin. |
Dans l'extrême Ouest de la Libye, à une quinzaine de kilomètres de la frontière tunisienne, un décor de carte postale accueille le visiteur : péninsule à marée basse, île à marée haute, eaux immaculées, sable fin, Farwa est un bout de terre de 470 ha où prospèrent palmiers-dattiers sauvages battus par la brise marine et différentes espèces, comme les tortues et les flamants roses.
Sauvage et inhabitée, elle fut des décennies durant une destination privilégiée des excursions scolaires : au printemps, l'île constitue l'un des rares relais libyens pour les oiseaux migrateurs qui s'apprêtent à retraverser la Méditerranée. "Farwa est l'une des zones les plus importantes de Libye pour de nombreux oiseaux migrateurs", affirme Tarek Jdeidi de l'Université de Tripoli.
Et, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'île est potentiellement le "site côtier et marin le plus important de l'Ouest de la Libye, en termes de biodiversité". L'ancien dirigeant Mouammar Kadhafi voulait y construire une station balnéaire avec hôtels de luxe, villas "flottantes" et terrain de golf. C'était en 2005, quand le pays d'Afrique du Nord amorçait une timide ouverture après être redevenu fréquentable.
Finalement préservée de l'urbanisme - l'unique construction qu'on y trouve est un vieux phare délabré érigé par les Italiens dans les années 1920 -, elle voit déferler chaque week-end des dizaines de visiteurs libyens qui "laissent derrière eux leurs ordures", soupire Faouzi Dhane, de l'association écologiste Bado.
En outre, le complexe pétrochimique d'Abou Kammache, situé à quelques encablures de l'île, a pendant des années "déversé des métaux lourds comme le plomb". Et s'il a baissé le rideau il y a quelques années, l'impact de cette pollution "est toujours palpable", regrette M. Dhane.
"Pêche à l'explosif"
Mais c'est surtout la pêche intensive et non réglementée qui inquiète les défenseurs de l'île : les pêcheurs, qui viennent de la ville berbérophone de Zwara, à 40 km de là, "ne respectent rien. Ils pêchent à tout moment, de façon non réglementée, et pratiquent la pêche à l'explosif", pourtant interdite, souligne le militant écologiste.
Des bateaux amarrés à un banc de sable de l'île libyenne de Farwa, à quelque 170 km de Tripoli, le 10 juin. |
Symbole de l'île, la tortue Caouanne (Caretta caretta), une espèce menacée, figure parmi les premières victimes. "Les tortues sont parfois prises dans des filets de pêche, quand elles ne sont pas tuées par les pêcheurs qui redoutent leurs morsures", s'inquiète M. Dhane.
L'association Bado s'efforce également de sauver autant de couvées que possible, notamment en protégeant les nids des prédateurs et des pilleurs qui revendent les oeufs à prix fort.
Chaouki Mouammar, chercheur en archéologie, est un habitué du site. S'il s'intéresse au passé lointain de l'île - des outils de l'époque romaine, des tombes et même un four y ont été découverts -, il s'inquiète tout autant pour son avenir. D'abord, la pollution et les conséquences des déversements de l'ancienne usine pétrochimique, "une vraie catastrophe environnementale", et la "montée du niveau de la mer".
Car Farwa, mince bande de sable entre l'eau brune du marais où prolifèrent algues et coraux et l'eau cristalline côté mer, "risque de se retrouver engloutie si des mesures ne sont pas prises pour tenter de contenir la mer", alerte M. Mouammar.
"Nous essayons de sensibiliser les pêcheurs, en partenariat avec des ONG internationales comme le WWF (Fonds mondial pour la nature)", annonce Faouzi Dhane, dont l'association "organise également des conférences et des campagnes de sensibilisation dans les écoles".
AFP/VNA/CVN