>>L'alpiniste rescapée de l'Himalaya raconte son aventure devenue calvaire
Les alpinistes polonais ayant tenté d'atteindre le Sommet du K2 au Pakistan, à Islamabad, le 16 mars. |
"Le K2, c'est ce qu'il y a de plus difficile", affirme Krzysztof Wielicki, 68 ans, le chef de l'expédition, qu'il supervisait depuis le camp de base. "Le pire temps, c'est sur le K2", a-t-il ajouté vendredi 16 mars lors d'une conférence de presse à Islamabad.
Perché à 8.611 mètres d'altitude, "la montagne sauvage", le deuxième plus haut sommet au monde derrière l'Everest (8.848 m), ne s'était jamais laissée conquérir en hiver, quand les conditions climatiques atteignent leur paroxysme.
Malgré leur pedigree, leur courage, et les centaines de milliers d'euros investis dans l'aventure, les treize alpinistes ayant tenté son ascension sont repartis bredouilles.
À la manœuvre, Krzysztof Wielicki est pourtant détenteur de la "couronne", un titre accordé à ceux qui ont gravi les 14 sommets de plus de 8.000 m.
Ses deux meilleurs atouts, le Russo-Polonais Denis Urubko et le Polonais Adam Bielecki sont aussi très expérimentés. Urubko, 44 ans, a également coiffé tous les "8.000". Ses pairs le classent "parmi les cinq légendes de l'alpinisme en activité". Bielecki, 34 ans, a déjà vaincu le K2, mais en été.
Arrivés en décembre dernier au Pakistan, l'expédition, aidée par une centaine de porteurs, parvient en janvier au deuxième camp, situé à 5.400 mètres d'altitude. Puis elle se heurte à l'hostilité du K2.
"La montagne sauvage" a été domptée pour la première fois en 1954, une année après l'Everest. Depuis lors, 306 personnes ont atteint son sommet. Et 80 en sont mortes, selon le site Internet 8.000ers. Soit plus d'un décès pour quatre ascensions victorieuses.
Par comparaison, "le toit du monde", bien moins difficile techniquement, a vu 3.700 grimpeurs atteindre son faîte.
Le K2 est connu pour sa très rude météo. Dans le massif des Karakoram, auquel il appartient, les vents sont près de deux fois plus forts que dans l'Himalaya voisin et peuvent atteindre 400 km/h. Largement de quoi souffler un grimpeur, même encordé. Les températures chutent parfois à -40oC.
"Risques"
Le chef de l'expédition polonaise, Krzysztof Wielicki, en conférence de presse à Islamabad, au Pakistan, le 16 mars. |
S'ajoute ensuite l'élément humain, prépondérant. Fin janvier, Denis Urubko et Adam Bielecki sont héliportés en toute hâte vers le Nanga Parbat (8.126 m), un autre sommet pakistanais, à la rescousse de deux autres alpinistes, Elisabeth Revol et Tomek Mackiewicz.
Au terme d'un sauvetage homérique et fortement médiatisé, la Française sera sauvée. Le Polonais Mackiewicz devra être abandonné à son destin, un choix terrible qu'Urubko a raconté récemment.
L'élément humain est aussi ce qui fait préférer une route à une autre, en l'occurrence celle de Cesen, plus courte mais plus pentue. Et où, en hiver, les éboulements sont fréquents.
Adam Bielecki reçoit une pierre sur la tête, qui lui casse le nez. Un autre alpiniste a la main cassée.
"Après un mois (d'efforts), j'ai décidé que nous ne pouvions pas prendre davantage de risques, raconte Krzysztof Wielicki. Les risques étaient trop grands."
Le 11 février, l'équipée abandonne la route Cesen pour emprunter celle de l'éperon Abruzzi, plus plate mais également plus longue. Frustré par ce retard, Denis Urubko, pour qui "l'hiver" alpin s'arrête le fin février et non le 20 mars, comme le pense le reste de l'expédition, décide de partir seul.
Sa tentative, qualifiée de "suicidaire", ne dure pas longtemps, trop dangereuse. Il redescend de lui-même et abandonne l'équipée, ce qui fragilise cette dernière.
"Seuls Denis et moi étions prêts pour la dernière montée vers le sommet, remarque Adam Bielecki. Car, explique-t-il, eux seuls avaient grimpé jusqu'au troisième camp, à plus de 7.000 mètres d'altitude, et étaient acclimatés pour la "zone de la mort", au-delà de 8.000, où l'air est si peu dense qu'il met les alpinistes en danger.
Urubko parti, l'ascension en solitaire étant trop risquée pour Bielecki, et la météo trop capricieuse, l'expédition attend le 5 mars, avant de déclarer forfait et redescendre.
"Vous avez besoin de chance, mais il est possible de grimper le K2" en hiver, affirme toutefois Krzysztof Wielicki, prêt à en découdre à nouveau.
"J'espère que les Polonais reviendront ici, lance-t-il. Car nous sommes les guerriers de la glace, et nous devons revenir."