Ô miroir, dis-moi qui est la plus blanche ?

Qu’est-ce qui pousse les Hanoïennes d’ordinaire si élégantes à revêtir ces étranges parures informes quand le soleil est haut ? Une overdose de Twilight et autres histoires de vampires serait-elle à l’origine de ce comportement étrange ? Bizarrerie d’une quête de la blancheur inouïe.

Les femmes de Hanoi sont si belles. De fines silhouettes élancées, une démarche assurée, une grâce toute asiatique… Mais ces donzelles se font rares pendant les journées ensoleillées. Oubliez les robes aériennes, les jupes courtes, les éclatantes chevelures que l’on croise à Hanoi une fois la nuit tombée. Le jour durant, on ne rencontre que d’étranges spécimens entièrement recouverts. Les Hanoiennes sont pourtant bien coquettes, il suffit pour s’en convaincre de les voir en amazone à l’arrière des scooters...

Presque aussi complexe que la burqa, l’attirail anti-soleil vietnamien à la mode vietnamienne est conséquent. Un blouson informe, toujours le même décliné en une dizaine de motifs fleuris différents, permet de couvrir tout le haut du corps, du dessus des mains jusqu’au sommet du crâne. Les plus élaborés ont une casquette intégrée. Aucune parcelle de peau n’est laissée à l’infâme astre brûlant, le nez et la bouche sont couverts par un cache-nez complété de lunettes de soleil et au choix, une casquette ou un chapeau à bords larges, coincés sous la capuche. Une forme de jupe couverture, parfois assortie au blouson, recouvre les jambes des conductrices de scooters. Ajoutez à cela des gants et des chaussettes pour les plus radicales, des bas couleur chair pour les ultra et le tout donne ces masses biscornues et multicolores qui se meuvent au pas de course ou à scooter. Cocasse... L’ombrelle, au charme infini, se fait, quant à elle, de plus en plus rare et n’arrive qu’en complément de cet équipement.

Bien étrange uniforme… Vendu d’ailleurs dans des échoppes spécialisées dans l’équipement «anti-soleil». «Anti-soleil» ! Oh, quel terme ! Pourrait-on entendre parler d’un «équipement anti-soleil» en Europe ? C’est presque un sacrilège. Comment peut-on être «anti-soleil», nous qui quémandons sans cesse sa présence capricieuse pour organiser pêle-mêle pique-niques, balades, déjeuners en terrasse et siestes sous les acacias. Le parasol, la crème, le chapeau et les lunettes de soleil ne sont pas des anti. Ce sont bel et bien des pro-soleil, ces fidèles compagnons…

Mais ici le soleil est tyran. Il ne fait pas que bousculer la vie des citadins, il la dirige. Au sens propre. Jeu de cache-cache, les Hanoiens iront là où l’astre leur dit d’aller. Les conducteurs de motos n’hésitent pas à s’arrêter une quinzaine de mètres avant le feu rouge pour pouvoir profiter de l’ombre d’un pont. Le temps d’un feu rouge... Tandis qu’un dangereux virage à droite pour pouvoir conduire sous une frêle rangée d’arbres est chose commune. 1, 2, 3… Soleil. Je me fige lorsque tu es là. Voilà sans doute l’origine du jeu…

Cachez-moi ce soleil que je ne saurais voir…

Alors sans doute, les Hanoïens ont raison : le soleil est dangereux, une insolation n’est pas vraiment une partie de plaisir. Mais lorsque l’on les voit, complètement camouflés, courir d’une ombre à l’autre, on devine que l’enjeu porte moins sur la santé que sur cette blancheur de peau fantasmée en Asie. À chaque culture son obsession. Le teint hâlé, tant redouté des Vietnamiennes, est très prisé chez les Occidentales s’exhibant joyeusement aux UV les menaçant d’un cancer précoce. Ici, pas d’autobronzant «effet retour de vacances» ou de blush «façon léger coup de soleil». À leur place, on trouve en institut d’innombrables soins «blanchissant» dont certains vont jusqu’à utiliser des feuilles d’or en masque. Cette peau de porcelaine n’a pas de prix.

Un code couleur qu’il est bien difficile de cerner complètement. Ancestral signe de démarcation d’une aristocratie épargnée des travaux en plein soleil ? Sans doute, mais lorsqu’on interroge les jeunes Hanoïennes d’aujourd’hui, elles évoquent bien plus spontanément les pin-up occidentales ou corréennes s’étalant sur les couvertures des magazines de beauté. Ce n’est pas ces Vietnamiennes à la chevelure étrangement blonde qui diront le contraire...

Texte et photos : Léa Ducré/CVN

 

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