N’importe quoi !

C’est du n’importe quoi ? Expression utilisée pour désigner quelque chose qui n’a pas d’allure ou une idée stupide. Parfois les deux ! Illustrations…

Sous toutes les latitudes, on peut être confronté à des attitudes qui nous paraissent inconcevables, ou pour le moins surprenantes. Bien évidemment, ceci a l’aune de nos valeurs, mais il faut bien avoir un mètre étalon pour mesurer le comportement de nos concitoyens, sinon c’est la porte ouverte à… du grand n’importe quoi !

Et depuis que je vis au Vietnam, j’ai souvent eu l’occasion de me dilater la rate ou de m’exciter le reptilien devant des situations qui m’amènent à douter du bon sens de mon interlocuteur. Entre rire et colère, il faut parfois choisir, sachant que la première option permet de rester grand seigneur, alors que la seconde peut confiner au ridicule.

Idée folle ou belle amitié ? Les chiens et leur propriétaire ne se quittent plus, même en moto.

Chien emmitouflé

Le froid s’est abattu brutalement sur Hanoi et une grande partie du Nord du pays. Un demi-siècle qu’on n’avait pas vu ça. Vite fait bien fait, on a jeté l’áo dài aux orties pour le remplacer par un autre vêtement traditionnel: l’anorak des eskimos ! Dans les maisons, engoncés dans des pulls qui s’empilaient en pelure d’oignon, nous nous blottissions les uns contre les autres près d’un intrépide calorifère qui s’évertuait à augmenter les degrés Celsius ou Fahrenheit autour de nos corps.

La nuit, nous adoptions cette règle de base de lutte contre l’hypothermie qu’est le rapprochement des corps. Serrés comme des pousses de riz en pépinière, nous nous enfouissions sous des strates de couvertures et d’édredons sortis de la naphtaline.

Outre la famille, j’avais rapatrié chien, perruches et lapin nain dans la chambre conjugale, après avoir longuement mûrit l’aménagement des territoires qui s’en suivait.

La moindre sortie nous transformait en explorateurs polaires, encapuchonnés, emmitouflés, visage caché par des écharpes de laine. Le vent froid, qui s’engouffrait dans le plus petit interstice de notre carapace vestimentaire, n’avait rien à envier au blizzard.

Ma fille était en vacances forcées, comme tous les écoliers : trop froid dans les salles de classe !

Mais il fallait bien sortir, ne serait-ce que pour aller au marché ou faire se soulager le chien. Pour la première obligation, il était, en effet, hors de question de déroger à la règle absolue du «toujours frais le matin». Je n’évoque pas ici la température de l’air, mais la nourriture.

Au Vietnam, en dehors de quelques placards d’expatriés en manque de sardines en boîte, les conserves n’ont pas droit de cité dans la cuisine : la viande et les légumes s’achètent chaque matin au marché local, contre vents et marées, ou contre froid et gelée ! L’occasion d’ailleurs de satisfaire la seconde obligation pour que l’un des quadrupèdes préférés de ma fille puisse soulager sa vessie. Et c’est à cette occasion que j’ai assisté à un «grand n’importe quoi» typiquement local !

Tandis que ma chienne se hâtait de trouver un endroit propice à son opération de délestage, je grelottais en observant le spectacle de la rue. Spectacle bien pauvre s’il en était, car en dehors de quelques ménagères affairées, peu de monde se hasardait à musarder dans les rues.

Pourtant, un de mes concitoyens, propriétaire d’un superbe husky, s’était enhardi à lui faire faire une promenade matinale… à la vietnamienne. C’est-à-dire, lui sur une moto et le chien, tenu en laisse, courant à côté de la moto.

Pour un husky, animal habitué aux températures polaires, et plus à l’aise à tirer un traîneau sur des banquises enneigées qu’à se prélasser au soleil tropical, une promenade par ce temps de gueux devrait être un vrai bonheur. Sauf que son maître avait cru bon d’affubler la grosse bête à l’épaisse fourrure d’une sorte de gabardine pour chien, doublée qui plus est.

Je dois avouer que lorsque le chien moto tracté est passé devant moi, j’ai hoché la tête avec commisération, en me demandant si je ne devais pas offrir une paire de lunettes à son maître qui le confondait avec un chihuahua au pelage ras. En retournant chez moi, c’est plutôt le rire qui l’emportait tant m’avait paru ridicule cette situation.

Course bouchonnée

Après la pluie le beau temps, dit-on ! Aujourd’hui, le mercure commence à reprendre des couleurs et, revigoré sans doute par la proximité du Têt, escalade les degrés à grandes enjambées. J’en profite pour quitter mon faubourg et rejoindre le cœur de la ville avec quelques emplettes en tête. Sauf que je ne suis pas le seul à avoir eu cette idée, et que la proximité du Têt augmente considérablement le niveau de fièvre acheteuse des uns et des autres.

Principe inéluctable des vases communicants : quand tout ce qui est dedans s’écoule dehors, ça finit par faire beaucoup de monde dehors. Et, beaucoup de monde dans les rues, ça finit par des embouteillages ! Dans ces cas-là, il faut s’armer de patience et attendre que l’occlusion vicinale se résorbe pour que le transit soit fluide.

Seulement la patience n’a pas l’air d’être le fort du chauffeur de taxi auquel je tiens compagnie pour l’heure. En bon client que je suis, je le laisse s’acharner seul sur son klaxon, et vouer aux gémonies tous ces motocyclistes qui n’ont pas une once d’intelligence à vouloir passer coûte que coûte en zigzaguant entre les voitures.

Après trente minutes d’un trajet qui n’en prend que dix habituellement, c’est un chauffeur proche de l’apoplexie qui me dépose devant chez moi. J’en serais presque à le plaindre. Compassion qui s’estompe très vite au moment de régler la course !

En effet, le tachymètre affichant 40.000 dôngs et ne disposant pas de l’appoint, je lui tends un billet de 100.000 dôngs. Billet qu’il dépose sur ses genoux, précision utile pour la suite de l’histoire. Toute personne, un tant soit peu versée en calcul mental, attendrait que je recouvre 60.000 dôngs. Imaginez donc ma surprise de ne voir arriver qu’un seul billet de 20.000 dôngs ! Devant mon air étonné, le chauffeur m’annonce que le montant est doublé à cause des embouteillages. Ahuri face à cet argument, je lui montre les conditions de transport qui sont affichées sous son tachymètre, en lui expliquant que je ne vois aucune clause qui stipule que circuler dans des embouteillages coûte deux fois plus cher.

En fait, ce n’est pas la première fois que je suis confronté à ce genre de remarque de la part d’un chauffeur de taxi, comme si le client devait payer les conséquences des mauvaises habitudes de circulation et l’augmentation du parc automobile. C’est vraiment du n’importe quoi, me dis-je, en subtilisant rapidement le billet de 100.000 dôngs, qui était sur les genoux de l’inconvenant.

Puis, faisant l’effort de compter ma menue monnaie, je lui colle dans les mains une liasse de billets de papiers froissés équivalente à la somme inscrite au compteur, en lui expliquant que je ne manquerai pas de me renseigner auprès de la compagnie et que, si jamais, effectivement, une course embouteillée coûte deux fois plus cher, ayant noté son numéro, je pourrais le retrouver pour lui donner un complément.

Comme d’habitude, dans ce genre de situation, la fermeté impressionne davantage que la colère, et certes, c’est sous un regard courroucé que j’ai quitté le taxi, mais sans autre esclandre… Pourtant, sur le chemin de ma maison, c’est quand même l’irritation qui l’emportait tant était inconcevable cette attitude !

Gérard BONNAFONT/CVN

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