Né en 1972, Nguyên Khai a dû attendre ses 20 ans pour rejoindre sa famille au Canada. Cadet d'une famille de 12 enfants, il décroche son diplôme d'ingénieur en informatique à l'Université de Toronto et en 2000, il est embauché à Silicon valley (Californie), en tant que spécialiste en écriture des logiciels. De part la nécessité de son travail mais aussi pour sa passion des voyages et des découvertes, il s'est rendu dans 54 pays et aussi le pôle Nord. Le jeune ingénieur considère cette expédition de 9 jours comme "le grand voyage de sa vie".
Avant son départ, il décide de créer un blog, souhaitant recevoir témoignages et expériences et partager ses sentiments. Ses recherches sur la toile lui font alors constater qu'aucun Vietnamien ne s'est jamais rendu sur l'un des 2 pôles.
Cap vers le Nord
Son premier article, le 22 mars 2008, commence ainsi : "Certains de mes amis se montrent inquiets lorsque j'évoque mon voyage... Je me sens pourtant prêt à relever tous les défis et parer à tout risque éventuel".
Le 1er avril 2008, la veille de son départ, il rédige un long article : "Je suis tellement impatient, le groupe va arriver au pôle Nord à la date prévue. Je skierai bientôt sur la dernière latitude !..."
Avant le départ, Khai croyait que son groupe était composé d'une douzaine de personnes. Mais une fois sur place, seules 2 autres personnes sont là, dont Sergei, lui aussi novice et directeur adjoint d'une société d'équipements médicaux. La troisième personne était en fait le guide du groupe, l’Autrichien Christoph Hobenreich, 40 ans, docteur en géographie, professeur de sport et titulaire d'un certificat de guide de haute montagne et de ski. Un groupe de 3, ce n'est pas terrible! Heureusement, à la station Barnéo, un quatrième compère, Georges Baumann, explorateur français, se joint au groupe.
Neuf journées inoubliables
Le pôle Nord s'est simple ! Il y fait soit jour pendant 6 mois, soit nuit le reste de l'année. Le mois d'avril est réputé être le plus beau et à cette période les groupes d'explorateurs s'y succèdent.
Khai note tout dans son journal de bord dont voici les extraits.
Le 2 avril : nous sommes arrivés sain et sauf à la base Barnéo. Je me sens bien. Il fait -35 degrés. Les glaces dérivent rapidement vers le Sud. Nous ne savons pas par où commencer demain. Je ne m'attendais pas à un tel paysage !
Le 3 avril : cette nuit, j'ai eu un bon sommeil. Les glaces continuent leur dérive vers le Sud. Nous restons à la base et, en attendant, explorons les alentours. Il fait toujours -35 degrés, et il y a du vent. Je me mets au chaud. Nous nous sommes entraînés à marcher dans les environs. L'exercice est bon, mais assez fatigant. Les 7 prochains jours devraient être passionants. J'ai eu un repas chaud, assez bon à mon goût. Les glaces dérivent plus rapidement, 14 km depuis hier. Demain à 11 heures nous allons commencer à skier sur la glace.
Le 4 avril : George Baumann a rejoint notre groupe. C'est génial de l'avoir près de nous! L'hélicoptère nous a déposés à la latitude 89 degrés 40' Nord. Nous commençons à skier. Il fait froid mais se déplacer nous maintient au chaud.
Le 5 avril : hier, nous avons parcouru 1,5 km. Aujourd'hui, nous avons marché 7 km. Pas beaucoup de dérive de la banquise. Ça a été une très longue journée pour moi. Peut-être demain ça ira mieux. Je vais dîner et aller me coucher tôt.
Le 6 avril : correction : hier, nous avons parcouru 12 km en l'absence de dérive. Aujourd'hui, la banquise dérive lentement, à 300 m/h. Nous avons marché 7 km à la dérive. Nous sommes encore à environ 32 km du pôle. Je prépare le dîner, avec du bacon et des nouilles instantanées. C'est pas très bon, mais j'ai besoin de matière grasse. J'ai aussi droit à une boisson énergétique complétée de chocolat et de lait, un lait comme du fromage. Encore beurk !
Le 7 avril : relief très difficile à parcourir, avec de nombreux amas de glaces. Nous avons marché 7 km en l'absence de dérive. Nous sommes à environ 29 km du pôle. Je transpire beaucoup en marchant. Chaque nuit, la tente me fait penser à un sauna. Nous avons fait bouillir beaucoup d'eau et bu comme des chameaux. Je vais me reposer tôt.
Le 8 avril : ces derniers jours, nous avons bénéficié d'un beau temps. Aujourd'hui par contre, il y a du brouillard qui réduit notre visibilité. Nous avons campé en attendant que cela s'arrange. Il fait chaud dans la tente. Les glaces reprennent leur dérive, et cette fois à forte vitesse, 600 m/h. Un peu plus tard dans la journée, le temps s'améliore. Peut-être, allons-nous marcher de nouveau pour rattraper le retard.
Le 9 avril : c’était une belle journée de marche, mais nous n'avons pourtant parcouru que 5 km. Demain, l'hélicoptère nous prendra ici pour nous amener au pôle Nord, puis ce sera le retour à Longyearbyen, chef-lieu de l'archipel norvégien de Svalbard, notre point de départ. Demain sera un grand jour, je suis excité comme une puce.
Le 10 avril : bonjour du pôle Nord ! De même que ses prédécesseurs qui ont voyagé avec Vicaar, Khai a planté le drapeau de la Société au parallèle 90, sommet Nord de l'hémisphère. Et puis, le jeune Vietnamien a sorti de son sac une pancarte sur laquelle est marquée Saigon, sa terre natale, et tendu sur sa poitrine le drapeau national de son pays d'origine, le Vietnam.
"J'ai une affinité pour les voyages et les découvertes. L'expédition au pôle Nord m'a coûté 30.000 dollars, mais ce que j'en ai retiré est hors prix. En ce moment, je m'entraîne, à raison de 5 jours par semaine, en vue d'une prochaine expédition au pôle Sud. Il s'agit surtout d'exercices cardiovasculaires. Pendant les week-ends, je pratique l'escalade dans les montagnes près de chez moi.
Cet été, je compte faire l'ascension du mont Shasta (Californie), et peut être sur d'autres montagnes, pour m'habituer au manque d'oxygène ", confie Nguyên Khai.
Selon une de ses soeurs qui réside et travaille actuellement à Hô Chi Minh-Ville, "ce serait formidable s'il obtenait une invitation au sein du groupe des explorateurs russes dont la mission au pôle Sud est prévue pour la fin de cette année".
Minh Phuong/CVN