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Les trois membres fondateurs de Ngot en 2014. |
Photo : CTV/CVN |
Cela démarre comme toutes les histoires des grands groupes. Trong Thang (guitare, chant), Binh Tuân (guitare) et Nam Anh (batterie) jouent ensemble depuis le collège. Nam Anh fait rutiler sa batterie avec passion depuis l’école primaire. Binh Tuân avait choisi la guitare juste par simple envie de se «divertir». Et enfin, Trong Thang a suivi les pas de son grand frère, membre d’un groupe indie de Hanoï, Mimetals.
Étant tous nés en 1995, ils ne sont pas à proprement parlés des professionnels, même s’ils ont tous pris part à des classes de musique. Influencé par les Beatles et Simon & Garfunkel, le chanteur Trong Thang est derrière chaque composition du groupe. Rien d’étonnant, car le jeune artiste était déjà connu depuis plusieurs années dans la communauté underground de la capitale.
Talentueux, chanceux et ambitieux
Tout a basculé en décembre 2013. Les trois membres ont décidé d’aller plus loin dans l’aventure. «Quelqu’un nous a dit que nos chansons étaient douces et charmantes. Alors, j’ai décidé d’appeler le groupe Ngot (La douceur) en souvenir de ce mémorable compliment», se rappelle Trong Thang.
Introduit par son frère dans la petite communauté des musiciens, il a réussi à tisser son propre réseau. Il finit par trouver son bassiste, Viêt Hoàng, un étudiant diplômé d’économie en Angleterre. En dehors de leurs études, ils consacrent entièrement leur temps libre à la musique, depuis la composition jusqu’à la mise sur pied d’événement.
Le groupe mise sur la nouvelle vague indie au Vietnam, qui pousse les jeunes musiciens à tout faire par eux-mêmes, depuis l’enregistrement jusqu’à la promotion. Ngot a réussi à gagner son public en publiant leurs séances d’enregistrement sur les réseaux sociaux, à l’image de Facebook, Soundcloud ou encore Youtube. Les fans, devenant de plus en plus nombreux, constituent aujourd’hui une base d’inconditionnels surnommés keo (bonbon). Aujourd’hui, Ngot attire en moyenne 300 personnes par concert, un résultat impressionnant pour un groupe alternatif et non commercial.
En plus des superbes mélodies, le public se retrouve dans les textes. Les romances, la quête de l’originalité, les voyages, la peur d’être adulte ou la vie à l’université…, des sujets ancrés dans la réalité des jeunes vietnamiens d’aujourd’hui.
«Auparavant, je pensais que la musique consistait simplement de mélodies. Mais la langue vietnamienne est riche, et je suis maintenant conscient que ma musique doit aussi exprimer ma vie», partage Trong Thang.
La composition de Ngot jusqu’en décembre 2016. De gauche à droite : Binh Tuân, Nam Anh, Trong Thang et Viêt Hoàng. |
Photo : CTV/CVN |
Une berceuse composée par ses soins regorge de clins d’oeil ironiques sur sa personne, «Vide depuis des années, tu as grandi aussitôt/ Dors, pour que tu oublies toute la vie…» (À oi). Il n’hésite pas à aborder l’inquiétude des jeunes sur leurs futurs, «De longs chemins sans fin/ Qui pourrait surpasser les difficultés ?/ Et qui pourrait tout recommencer ?/ Les maillons qui relient mes pas/ Me sauvent des périls…» (Khap xung quanh, Mes alentours). Ou simplement le chagrin d’un garçon qui se souvient de son ex-petite amie, «Et tu pars pour les week-ends ? Et tu rencontres Vy et Xuân ? Et tu écoutes encore le chant distant/ Venant du kiosque de la grande cour ?» (Em dao nay, Comment vas-tu ma chérie ?).
Un premier album, et une communauté conquise
Après trois ans d’activité, Ngot a décidé d’enregistrer leurs dix meilleures chansons lors d’une séance organisée dans la salle de concert Rec Room, à Hanoï. Les 1.000 albums tirés en série limitée ont tous été vendus en une semaine. Un succès qui les a poussés à en produire une nouvelle série le mois suivant. Le financement a été possible via une campagne mise sur pied par le groupe pendant deux mois.
Mais ce premier album n’a pas été de tout repos. La qualité de l’enregistrement n’était pas optimum, l’acoustique d’une salle de concert n’étant pas la même que celle d’un vrai studio. Le style s’est aussi un peu écarté de l’indie, le groupe ayant emprunté des sons plus rock et pop-rock tout en flirtant avec le blues. Enfin, la voix de Trong Thang, plus brute, ne s’accordait pas toujours à la sensibilité habituelle de certaines chansons.
Ngot en concert pour présenter son premier album, le 13 mai 2016 à Hanoï. |
Photo : Dang Duong/CVN |
Heureusement, le travail du groupe a été bien apprécié par les professionnels de la musique vietnamienne. Le fameux compositeur Dô Bao s’est même montré très étonné de voir autant d’ambition à un tel niveau. «La musique de Ngot est résolument moderne, combinant le sens du divertissement, la naïveté et des traits de la musique traditionnelle». Le grand guitariste Trân Thanh Phuong revient sur la passion de ces jeunes musiciens. «Leur musique est attirante, et ils peuvent bien se progresser. J’apprécie leur point de vue», partage-t-il.
L’un des pionniers du pop contemporain vietnamien, Duong Thu, est un fan de la première heure. «Leur musique n’est pas faite par un jeune homme grande gueule, ou un pessimiste dramatique, ou quelqu’un de prétentieux. Cet équilibre marque son élégance et son haut pouvoir d’attraction auprès des jeunes», s’exclame-t-il. Ce sont en fait ces deux musiciens qui ont invité le groupe au mini-concert intitulé «Salon de musique du samedi» le 18 septembre à Hanoï, avec une salle était déjà comble deux heures avant du spectacle.
À côté des événements organisés chaque semaine dans la capitale, le groupe commence sa conquête du public dans le reste du pays. Ngot a participé récemment aux concerts sponsorisés par Tuborg, et collaboré avec le groupe d’indie-pop slovaque Lavagance à l’occasion du Festival de la musique européenne à Hanoï en novembre dernier.
Les études universitaires sont bientôt terminées, et les jeunes musiciens pourront maintenant consacrer entièrement tous leurs talents au groupe. Mais aux dernières nouvelles, Binh Tuân est parti poursuivre ses études supérieures, et c’est le jeune Chi Hùng qui a été choisi pour le remplacer. Plus rien ne semble aujourd’hui les arrêter.