Sur le terrain, la ville de Slaviansk, bastion des séparatistes, était en état de siège. Et un groupe d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) était retenu par des séparatistes, selon Kiev et Berlin.
Policier et soldats ukrainiens à un point de contrôle le 25 avril à Slaviansk. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Il n'y a pas beaucoup de temps pour mettre fin à cette folie", a déclaré le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier.
Les dirigeants américain Barack Obama, français François Hollande, allemand Angela Merkel, britannique David Cameron et italien Matteo Renzi, ont tenu une conférence téléphonique pour discuter de possibles nouvelles sanctions contre Moscou.
Ils ont sommé la Russie de s'abstenir de "déclarations provocatrices ou de manoeuvres d'intimidation", selon la présidence française.
La Maison Blanche a insisté sur la nécessité d'oeuvrer "de concert par l'intermédiaire du G7 et de l'UE (...) pour imposer des coûts à la Russie".
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a répliqué en accusant les Occidentaux de "vouloir s'emparer de l'Ukraine" pour servir "leurs ambitions géopolitiques et non les intérêts du peuple ukrainien". Et Moscou a appelé les autorités de Kiev à mettre fin sans délai à leur offensive militaire dans l'Est.
"La Russie appelle à cesser immédiatement toute action militaire et la violence, au retrait des troupes et à la mise en oeuvre complète par la partie ukrainienne de l'accord de Genève", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères.
L'accord de Genève prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et l'évacuation des bâtiments occupés dans les villes ukrainiennes, à Kiev comme dans l'Est.
Le pouvoir de Kiev a toutefois indiqué que son offensive contre les séparatistes, qu'il qualifie d'"opération anti-terroriste", allait continuer, mais il s'est engagé à faire preuve de retenue.
"L'opération anti-terroriste est en cours, mais notre préoccupation principale est d'éviter de faire des victimes", a déclaré à la presse à New York le vice-ministre ukrainien des Affaires étrangères, Danylo Lubkivsky. Il a appelé la Russie à retirer ses troupes massées le long de la frontière et à négocier une solution pacifique.
"La Russie veut lancer une troisième guerre mondiale", a accusé le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk. "Le soutien de la Russie aux terroristes en Ukraine constitue un crime international, et nous appelons la communauté internationale à s'unir contre l'agression russe", a-t-il dit.
Les autorités de transition pro-occidentales de Kiev ont lancé un appel à l'aide à la communauté internationale face à la Russie, accusée de soutenir activement les rebelles, voire d'avoir envoyé des agents sur place, alors que des hommes lourdement armés, très professionnels, en cagoule et treillis sans insigne patrouillent à Slaviansk. Moscou nie avoir des militaires ou des agents en territoire ukrainien.
En tout cas, la tension se fait chaque jour plus vive entre Kiev et les séparatistes. Atteint vendredi par un tir de lance-roquettes, un hélicoptère de l'armée ukrainienne a explosé alors qu'il stationnait sur l'aérodrome de Kramatorsk et son pilote a été blessé, selon les autorités ukrainiennes.
À quelques kilomètres de là, le bastion pro-russe de Slaviansk vit quasiment en état de siège depuis un assaut bref et meurtrier lancé par des blindés ukrainiens. Un journaliste de l'AFP a vu des militaires lourdement armés monter un poste de contrôle à 30 kilomètres de la ville tandis que des témoins ont observé des mouvements de blindés à l'ouest.
Le ministère de l'Intérieur a indiqué avoir mis en place "un blocus" de Slaviansk avec les forces de la Garde nationale afin d'empêcher les pro-russes "de recevoir des renforts". Les autorités ont assuré ne pas prévoir de nouvel assaut.
"Nous ne rendrons pas la ville", a répliqué le leader des insurgés de Slaviansk, Viatcheslav Ponomarev. "Nous sommes prêts à la défendre".
Treize observateurs de l'OSCE, dont quatre Allemands, ont été capturés et retenus par des séparatistes pro-russes, a annoncé dans la soirée le ministère allemand de la Défense.
Auparavant, le ministère ukrainien de l'Intérieur avait évoqué la capture de sept observateurs de l'OSCE.
S&P sanctionne Moscou
Mme Merkel a appelé le président russe Vladimir Poutine pour lui faire part de "sa grande inquiétude". Elle a ensuite annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE "aussi rapidement que possible" pour étudier de nouvelles sanctions.
La Russie n'est visée pour l'instant que par des sanctions américaines et européennes visant de hauts responsables. Mais la crainte de mesures de rétorsion contre son économie, déjà affaiblie, a entraîné de massives fuites de capitaux, poussant l'agence Standard & Poor's à abaisser vendredi le 25 avril la note de la Russie, à "BBB-".
Confrontée à une chute du rouble et à une accélération de l'inflation, la banque centrale russe a augmenté à 7,5% son taux directeur, un resserrement du robinet du crédit qui risque de peser sur une économie au bord de la récession.
Les incidents se multiplient dans le Sud et l'Est russophones. A Lougansk, où les séparatistes occupent les services de sécurité, des inconnus ont lancé de petits engins explosifs dans les locaux du parquet pendant la nuit, selon la police.
Le ministre de l'Intérieur a également fait état de l'explosion d'une grenade lancée contre une barricade de partisans de Kiev à d'Odessa, qui a fait sept blessés.
Un scrutin périlleux
Moscou, qui a brandi cette semaine la menace d'une intervention militaire pour défendre ses intérêts et ceux de la population d'origine russe, a lancé des manoeuvres impliquant notamment son aviation le long de la frontière ukrainienne. Washington a de son côté déployé 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes.
Les autorités ukrainiennes pro-occidentales affirment que la Russie prépare une invasion ou veut du moins déstabiliser la situation politique avant la présidentielle anticipée du 25 mai.
À un mois du scrutin, sa tenue semble très périlleuse, et les séparatistes comptent de leur côté organiser un référendum le 11 mai pour couper les ponts avec Kiev, voire rejoindre la Russie.
La perte de la Crimée, rattachée en mars à la Russie en quelques semaines, est dans tous les esprits.
AFP/VNA/CVN