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Stéphane Bancel dans un entretien vidéo depuis Cambridge (Massachusetts), le 17 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"On a des discussions, mais on n'a pas de contrat", a dit Stéphane Bancel depuis Cambridge, dans le Massachusetts, où ce Français de 48 ans, ancien du laboratoire bioMérieux, dirige depuis 2011 Moderna, petite société détenant l'un des vaccins les plus prometteurs de la pandémie.
La société, fondée en 2010, a annoncé lundi que son projet de vaccin contre le COVID-19 avait montré une haute efficacité dans des essais cliniques, de près de 95%, comparable à ce que le géant pharmaceutique américain Pfizer allié à la société allemande BioNTech a annoncé la semaine dernière. Les deux devraient demander aux autorités américaines, européennes et autres des autorisations de commercialisation dans les prochaines semaines.
Des "discussions avancées" ont bien été annoncées avec la Commission européenne le 24 août pour l'achat de 80 millions de doses du vaccin, mais aucun engagement ferme n'a été signé depuis. Entre temps, Moderna a signé avec le Canada, le Japon, Israël, le Qatar, le Royaume-Uni... Sans compter les 100 millions de doses promises début août aux États-Unis.
"C'est qu'il y a plein de choses administratives, les dossiers, des trucs, des alignements entre les pays et c'est juste compliqué à gérer quand vous êtes 27 par rapport à quand vous êtes tout seul", dit Stéphane Bancel. Il compare au Canada : entre les premières discussions avec les médecins de Moderna et la signature du contrat, "ça a mis deux semaines".
La conséquence : "C'est clair que d'avoir pris du retard, ça ne va pas limiter la quantité totale, ça va ralentir la livraison", dit-il. Pour tous les pays hors États-Unis, la production se fera en Suisse, dans les usines du groupe Lonza, et la mise en flacons à Madrid, chez le groupe Rovi.
Le siège de la Société américaine de biotechnologie Moderna à Cambridge, au Massachussets, le 16 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Si jamais le vaccin était autorisé par l'Agence européenne du médicament avant la fin de l'année, mais qu'aucun contrat n'était encore signé, "les allocations des premières livraisons ne comprendraient pas d'Europe. Donc, ça partirait en Suisse, ça partirait un petit peu au Japon, en Israël, au Canada, donc aux pays qui en ont commandées. Mais ceux qui n'ont pas commandé, je ne vais pas leur envoyer des produits".
"Plus ils attendent, plus ce sera décalé dans le temps", insiste Stéphane Bancel. Selon lui, les discussions ne bloquent pas sur le prix, mais il refuse d'en dire davantage publiquement.
Anticipation américaine
Il compare les tergiversations européennes à l'anticipation américaine. Dès le 2 mars, lui-même et les patrons de grands laboratoires étaient à la Maison Blanche autour de Donald Trump.
Les États-Unis ont accordé un demi-million d'USD à Moderna dès avril, pour financer les essais cliniques. Au total, la biotech a reçu 2,5 milliards d'USD d'argent public américain, sous l'égide de l'opération Warp Speed, lancée officiellement le 15 mai.
"L'opération Warp Speed a été l'une des choses les plus efficaces", souligne le patron.
"On a commencé à discuter avec plusieurs pays européens au mois de mai. On n'a eu aucune aide pour payer aucune étude clinique. Tout a été pris par le gouvernement américain et heureusement qu'ils l'ont fait, sinon on n'aurait pas pu développer le vaccin à ces vitesses-là, comme vous le savez on est une société qui n'a jamais fait un euro de profit, et l'étude clinique a coûté un milliard d'USD", poursuit-il.
Résultat, les premiers Américains seront sans doute vaccinés avant le Nouvel an : "On a déjà plusieurs millions de doses en magasin" aux États-Unis", confirme Stéphane Bancel.
Dix millions de doses devraient être en stock avant la fin novembre, et "on aura d'ici la fin de l'année les 20 millions de doses".
Ces 20 millions de doses seront exclusivement destinées aux États-Unis. Moderna prépare depuis des mois la chaîne logistique avec le gouvernement pour être prêt dès que l'Agence américaine des médicaments (FDA) aura autorisé le vaccin, une décision attendue en décembre.
Le but, dit-il, est que dès le feu vert de la FDA, Moderna puisse "charger les camions et partir".