Mister-Coq : les gallinacés cherchent leur Roi

Un concours de beauté de coqs ? Et pourquoi pas ? Cet événement surprenant a lieu chaque année dans la province de Dông Nai (Sud) avec, comme il se doit, candidats, catwalk, critères de beauté et... prix alléchants.

Le concours «Mister Coq Vietnam» est organisé dans le cadre de la Journée de la libération du Sud et de la réunification du Vietnam (30 avril).

À peine les premières lueurs rosées de l’aube apparaissent-elles à l’horizon, que le jardin du Musée de Dông Nai - lieu de rendez-vous de ces somptueux gallinacés - entre en ébullition. Une dizaine de rangées de cages parfaitement alignée trône sur cette vaste esplanade, chacune identifiée d’un numéro. À l’autre extrémité siègent le jury et le comité d’organisation, avec à proximité une grande table où sont disposés tous les équipements de mesure. Un terrain de jeu comme il se doit, complété de chaque côté par des rangées de bancs pour le public.

Les cages sont toujours vides. Mais où sont donc les candidats ? «Ceux-ci, ainsi que leurs noms et leurs propriétaires, ne sont présentés qu’au moment de l’ouverture du concours afin d’assurer le plus d’objectivité à cette compétition, mais aussi pour attirer le plus de participants possible», explique le président du comité d’organisation. L’heure de l’affrontement approche. Des dizaines d’éleveurs affluent - un gros cartable à la main - et se dirigent chacun vers une cage. À peine les rabats sont-ils ouverts que les impétrants redressent la crête en criant bruyamment. Et oui, ces messieurs sont orgueilleux ! La tempérance sonore ne revient que quelques minutes après, lorsque les gallinacés sont tranquillement dans leur cage...

Des critères bien précis

Devant les spectateurs qui n’ont d’yeux que pour eux, les coqs au superbe ramage tournent et tournent dans leur cage, chacun semblant vouloir faire preuve de la plus imposante prestance. Certains battent des ailes, faisant étalage de leur rémige multicolore éclatant, tandis que d’autres étendent leur cou et s’adonnent à un concours de chant. D’autres encore adoptent une démarche fière et belliqueuse… Aux alentours, les spectateurs enthousiastes sortent leur caméra ou appareil photo pour immortaliser les stars…

Dans un élevage de coqs d’agrément à Bên Tre, delta du Mékong.

Mais venons aux critères de sélection si vous le voulez bien. Le premier stipule que nos chers candidats soient de race Gà Tre, littéralement Coq Bambou, une espèce purement vietnamienne de gallinacé d’agrément très recherchée. Il est vrai qu’avec son plumage long et velouteux, multicolore ou unicolore (noir ou blanc), sa crête rugueuse et rouge vif, son bec jaune safran et ses pattes naines, l’animal a matière à séduire. Le 2e critère, non moins important, est que tout ce beau monde doit être élevé au naturel. Et le jury n’ergote pas, ce qui peut occasionner quelques prises de bec ! De nos jours en effet, les techniques chirurgicales permettent de rendre le coq plus beau, en taillant sa crête, ou en relevant son croupion lorsqu’il est encore jeune, un «remède de bonne femme» qui allonge les rectrices tout en les recourbant. Sans parler des postiches que certains éleveurs - ne manquant il est vrai pas de toupet - tentent de poser incognito sur leur cher animal !

Que la compétition commence !

«Sur les 55 candidats présents, 20 seront sélectionnés pour le premier tour, puis dix pour la finale, à l’issue de laquelle sera désigné +Mister Coq+», annonce le chef du Comité d’organisation.

Et le jury - composé d’experts expérimentés - se met au travail. Ces derniers examinent les candidats sous toutes les coutures. Ils sont scrutés, mesurés, pesés… Rien ne leur échappe.

En finale, la tension est palpable. Une grande table est placée au milieu du terrain, sur laquelle trône une belle cage, celle du futur vainqueur. C’est ici que sera départagé le Top 10. Un vrai défilé de mode où chaque animal montre de quel bois il est fait : démarche, allure, prestance, beauté du plumage et qualités vocales, tout est passé à la loupe, le tout en deux minutes. Après de longs débats, le verdict tombe enfin. Il est 15 heures.

Et «Mister Coq Vietnam 2012» est… Chuôi trang, de Hô Chi Minh-Ville ! Gà Nhan, de la province de Long An est proclamé premier dauphin ; Chuôi vàng, d’An Giang, deuxième dauphin. Les deux Prix de consolation sont attribués à deux Chuôi Lua - l’un de Long Xuyên et l’autre de Hô Chi Minh-Ville - qui ne laissent finalement pas trop de plumes dans l’affaire…

Un hobby, une passion

M. Thanh Nhân élève ses coqs d’agrément dans un quartier populaire du 7e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville. Un espace ombragé de 50 m² où se chamaillent des dizaines de Gà Tre. De multiples poulaillers couverts sont adossés aux murs, tous équipés de mangeoires modernes. Le sol est tapissé d’une couche de balle de paddy «pour des questions d’hygiène et de température», explique-t-il. C’est un élevage, pas une rôtissoire ! L’éleveur nous explique que la beauté du coq d’agrément dépend en premier lieu du choix de ses géniteurs. Pointant du doigt une poule couvant une dizaine d’œufs, il révèle : «Ce sera une belle couvée. Le père est un +Diêu lua+ et leur mère, une +Nhan trang+. Pour les avoir, j’ai dû me rendre dans la région frontalière avec le Cambodge».

Le coq Thai de race Chabo est parmi les plus estimés chez les amateurs de coqs d’agrément.

À Hô Chi Minh-Ville, les éleveurs ne manquent pas. «C’est la passion qui l’emporte sur tout. Mes coqs me permettent de me ressourcer après une journée de travail harassante», confie Quách Nguyên, président du Club des amateurs de coqs d’agrément du 6e arrondissement.

Dans le delta du Mékong, cela prend une ampleur incroyable. Presque toutes les provinces ont leur propre club, dont les membres se rencontrent chaque semaine, concours à la clé, le summum restant «Mister Coq». «C’est une fête où le coq fait la fierté de l’éleveur. Et la prime décernée, pour peu que l’animal soit couronné, ne gâte en rien notre plaisir», avoue Lê Van Hiên, de Long Xuyên, tout sourire.

Nghia Ðàn/CVN

 

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