Dans l’évevage de dogues de M. Hoàng,à Dông Triêu, Quang Ninh. Photo : CTV/CVN |
Descendu de ses hauts plateaux de plus de 4.000m d’altitude où il surveille les troupeaux de yacks, garde les campements des nomades ou les monastères, le bel animal à la toison fournie et au faciès qui n’invite guère aux caresses fait sensation dans les rues de Hanoi. Ça nous change des chihuahuas...
Puissance, dignité, inspire le respect... Autant de qualificatifs pour le dogue du Tibet, considéré par les connaisseurs comme une «bête merveilleuse», mais aussi comme la race de chien la plus chère au monde. En mars 2011, un milliardaire chinois n’a pas hésité à dépenser la bagatelle de 1,5 million de dollars pour un seul spécimen - au pedigree exceptionnel il est vrai.
Un faux bon gros toutou
Le bel animal n’a fait son apparition dans les rues de Hanoi que tout récemment. Corps robuste, pelage épais agrémenté d’une belle crinière, yeux brillants, museau droit, fortes mâchoires qui invitent au respect… On se retourne sur son passage, on s’écarte parfois aussi pour éviter de frôler la bête qui accuse quand même de 50 à 80 kg sur la balance. Le plus fier est certainement le propriétaire qui, du jour au lendemain, est l’objet de toutes les attentions.
Nghiêm Xuân Ky, domicilié au quartier de Câu Gô, Hanoi, a été l’un des premiers importateurs de dogues du Tibet au Vietnam. Selon lui, un chiot de deux mois se vend 15 millions de dôngs, mais certains atteignent 35-40 millions de dôngs. «Néanmoins, il n’y a pas de prix fixes pour ce genre de chien, dont la valeur oscille au gré du goût et de l’intention du client. Un dogue qui a un pedigree exceptionnel peut se négocier un… milliard de dôngs», assure Nghiêm Xuân Ky. Et de préciser les standards : poids de 55-60 kg, 70 cm au garot, pelage fourni, long et velouté, crinière «superbe comme celle d’un lion». Un autre concerne la couleur du poil (de nature très variée) dont l’importance est vue sous l’angle de la géomancie orientale, selon laquelle le «destin» d’un être humain dépend de l’influence d’un de ces cinq éléments de l’univers : métal, bois, eau, feu, terre (défini par son année de naissance). La personne sous l’élément eau ou bois est en accord avec le rouge foncé ou l’orange ; celle sous l’élément métal, au blanc … Ainsi, quand on a l’intention d’acheter un dogue, on prête une attention particulière à la couleur la plus appropriée à son destin...
L’autre record du dogue du Tibet, en plus de son prix de vente, c’est son «mordant». Il fait partie en effet des dix races de chiens les plus agressives. «Du calme ! Le dogue est très intelligent et capable de distinguer le bien du mal. Il n’attaque que s’il estime que son maître est menacé», rassure Nghiêm Xuân Ky.
Selon Kiên Van Hoàng, propriétaire d’un élevage d’une dizaine de dogues dans le district de Dông Triêu, province de Quang Ninh, «la valeur d’un dogue dépend de son pedigree». En effet, dans les élevages en Chine, chaque animal est doté d’un papier attestant son origine, délivré par l’Association chinoise des amoureux des dogues du Tibet. «Le dogue se vendra à un prix exorbitant s’il a des ancêtres renommés», assure Kiêu Van Hoàng. Et d’ajouter que l’on peut aisément faire fortune avec un dogue mâle descendant d’une lignée prestigieuse. Une simple saillie avec une femelle n’ayant pas de lignée spéciale - bref «une roturière» - se négocie autour de 7.000-8.000 dollars (environ 150 millions de dôngs) !
Copain-copain
Avoir un portefeuille bien garni n’est pas la seule condition pour acquérir un dogue du Tibet. Selon Nghiêm Xuân Ky, il faut aussi être passionné et pouvoir lui consacrer du temps. Cette race est très exigeante, tant en terme de nourriture, d’habitation que de mode de vie. Son épaisse toison fait qu’il a dû mal à supporter la canicule. La présence d’un climatiseur est donc souhaitable pour l’aider à passer l’été tropical... Côté nourriture, il faut privilégier la viande crue. «Chez nous au Vietnam, on cherche à réduire les dépenses en remplaçant la viande par des abats tels que cou du poulet, foie et os de porc… Néanmoins, on arrive quand même à deux ou trois millions de dôngs par mois», explique Xuân Ky. À quoi s’ajoute l’achat des outils de toilettage. Car une belle fourrure, ça s’entretient.
M. Ky et son copain Dông Dông. |
Mais le point le plus important, c’est la promenade. Le dogue a besoin de se dépenser. «Il adore se promener dans la rue ou sur la plage. J’emmène Dông Dông faire un tour du lac de l’Epée Restituée trois fois par jour», révèle-t-il.
Mais ce qui l’emporte sur tout, c’est la passion voire l’amour pour son animal. «À la différence des autres races de chiens, le maître ne peut pas se comporter avec lui selon le rapport classique dominant/dominé. Le dogue du Tibet, lui, veut instaurer une relation d’égal à égal, copain-copain quoi ! C’est un animal intelligent, indépendant, indocile et très sensible aux comportements de son propriétaire. Il peut s’énerver si celui-ci le gronde injustement, et se réjouir devant un geste amical. Et ce à sa façon, c’est-à-dire sans remuer la queue», explique Xuân Ky.
Après les voitures de luxe et les villas de bord de mer, le dogue du Tibet semble faire envie de plus en plus aux «dai gia» (nouveaux riches) vietnamiens. Bref, ces colosses, pourtant guère adaptés au climat tropical, continueront encore un certain temps de faire tourner les têtes dans la capitale...
Nghia Dàn/CVN