Les fêtes doivent refléter les valeurs culturelles nobles et non faire stagner la mentalité des populations dans un immobilisme stérile. |
Photo : Thúy Hà/CVN |
Le Vietnam compte chaque année environ 8.000 fêtes, essentiellement printanières. Parmi les plus importantes dans le Nord, on trouve : la fête des rois Hùng (fondateurs de la nation) dans la province de Phu Tho, celle des chants alternés de Lim à Bac Ninh, celle des pèlerins bouddhistes à Yên Tu, province de Quang Ninh, ou encore la fête de la pagode des Parfums dans la banlieue de Hanoï…
Ce sont des événements spirituels au service de l’unité de la communauté nationale. Diverses activités sont ainsi organisées : hommages solennels ou vénérations, processions, discours rituels et offrandes, chants et jeux folkloriques.
Chaque fête possède sa propre particularité qui se transmet de génération en génération. "Les fêtes printanières ont ceci de commun qu’elles visent toutes à exprimer la reconnaissance de la population envers les divinités locales. Dans la plupart des cas, il s’agit de héros qui se sont distingués lors de combats contre les agresseurs étrangers. D’où le caractère combatif et parfois violent des festivités organisées", à en croire le chercheur Vu Hông Thuât.
Renoncer aux rites choquants
Cependant, ces activités peuvent comporter des facettes moins sympathiques comme la violence, le chaos, les jeux cruels ou quelques rituels n’ayant plus leur place dans la société moderne. Modernité et intégration mondiale obligent, elles doivent satisfaire de nouvelles exigences, dont celles d’un ordre public renforcé.
Le village de Nem Thuong à Bac Ninh (Nord) a abandonné le rituel du "tranchage du cochon" en public lors de sa fête traditionnelle du printemps. |
Photo : HNM/CVN |
Cette année, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme continue à demander aux autorités des provinces et villes de réévaluer la pertinence des fêtes locales dans l’optique de préserver et de valoriser celles véhiculant des traditions culturelles authentiques et, à l’inverse, de recadrer, voire de supprimer celles comportant des rites d’un autre âge.
Les fêtes villageoises au cours desquelles sont pratiqués des sacrifices rituels de cochons ou de buffles devant un large public, dont des enfants, ont ainsi été modifiées. Par exemple, le village de Nem Thuong à Bac Ninh a abandonné le rituel du "tranchage du cochon" en public lors de sa fête traditionnelle du printemps. Les années précédentes, elle avait fait l’objet de critiques assez virulentes concernant la partie durant laquelle un cochon est coupé en deux au niveau du thorax à l’aide d’un sabre.
"L’organisation de ces manifestations populaires se base sur le besoin d’une communauté donnée de créer un sentiment d’appartenance par des événements marquants. Le tranchage du cochon ou l’abattage rituel du buffle sont des pratiques sacrificielles remplissant cette fonction depuis longtemps. Malgré tout, le développement des médias de masse sur Internet ne circonscrit plus la violence de ces fêtes à la seule communauté. C’est l’ensemble du public, dont les plus jeunes, qui y est exposé sans en comprendre la portée symbolique. C’est là que se situe le problème", explique Ninh Thi Thu Huong, directrice du Département de la culture (ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme).
La fête de Thánh Gióng a été reconnue en 2011 par l’UNESCO en tant que patrimoine culturel immatériel de l’humanité. |
Photo : VNA/CVN |
Valoriser les traits culturels avantageux
Les changements dans l’organisation des fêtes villageoises de Nem Thuong (province de Bac Ninh), de Tam Nông et de Hiên Quan (Phu Tho), de Bàn Gian (Vinh Phuc) ont contribué à valoriser des traits culturels plus avantageux.
"Les fêtes doivent promouvoir les valeurs humanitaires. Ce qui est encore plus important, c’est que ces fêtes sensibilisent la population à la noblesse et à la richesse de notre patrimoine culturel ancestral", selon Lê Nhu Tiên, vice-président de la Commission de la culture, de l’éducation, de la jeunesse, de l’adolescence et de l’enfance de l’Assemblée nationale.
De ce fait, nombre de citoyens ont compris que la vision que l’on avait des festivités dépendait largement de leurs comportements. Ainsi, alors que l’année dernière avait vu certains troubles se dérouler au temple du Génie Giong de la commune de Phù Linh, district de Soc Son, en banlieue de Hanoï, l’édition de 2018 s’est déroulée dans la sérénité, pour le plus grand plaisir des locaux. Le rituel comprend notamment la distribution de petites fleurs de bambou porte bonheur pour le début d’année, source des troubles des années précédentes. "Cette année, nous devons seulement faire la queue pour avoir une petite fleur de bambou. Le comité d’organisation a préparé 1.500 petites fleurs à distribuer aux visiteurs, ce qui sera largement suffisant", témoigne Nguyên Thi Luyên, domiciliée dans le district de Soc Son.
De la même façon, la combustion des papiers votifs avait entraîné des incendies, parfois très graves, dans plusieurs zones urbaines du pays. Récemment, le Comité central de l’Église bouddhique du Vietnam, devant ces problèmes à répétition, a cherché à apporter une solution en exhortant, par circulaire officielle, les fidèles à abandonner cette pratique afin d’éviter les troubles, les gaspillages et la détérioration de la qualité de l’air dans les villes.
Les Comités populaires provinciaux et les Services de la culture, des sports et du tourisme sont également à la manœuvre et prennent des mesures visant à mettre fin aux mauvaises pratiques. En outre, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme encourage les visiteurs et les participants aux fêtes à suivre les guides fournis par le comité d’organisation et à stopper toute action jugée contraire aux traditions et à la culture de la nation, notamment celle travestissant l’âme du peuple vietnamien contre de l’argent.
"Le Vietnam est très fier de la richesse et de la vivacité de son héritage culturel, notamment quand il s’exprime au travers des fêtes traditionnelles comme celles de Giong, Yên Tu ou encore de la pagode des Parfums attirant chaque année des dizaines de milliers de pèlerins. C’est la principale raison pour laquelle un contrôle public doit être instauré", conclut Lê Nhu Tiên.