Jusqu'à maintenant, certaines œuvres littéraire vietnamiennes ont été traduites et publiées dans une langue étrangère. Mais Donne-moi un ticket de retour pou l'enfance de Nguyên Nhât Anh est la première à l'être simultanément dans trois langues, en anglaise, thaïlandais et coréen. C'est un honneur pour cet auteur comme un encouragement supplémentaire pour les écrivains vietnamiens. De son invitation à une rencontre avec lecteurs et écrivains thaïlandais le 24 août dernier à l'Université de Chulalongkorn (Thaï- lande) à l'occasion de la sortie de son livre, Nguyên Nhât Anh rapportera certainement des informations utiles sur le marché du livre de ce pays.
En avril dernier, Ouvrir la fenêtre les yeux fermés de Nguyên Ngoc Thuân a également été traduit en anglais et diffusé par les Éditions Tre. Il s'agit d'une première afin d'explorer le marché. "C'est en effet un investissement assez aventureux. Nous estimons pouvoir diffuser à l'étranger quelques oeuvres littéraires vietnamiennes dans les cinq années à venir en anglais ou en français", confie le poète Pham Sy Sau, directeur de la communication de cet éditeur, chargé de l'exploitation domestique des droits d'auteurs.
Plus aventureux encore que les Éditions Tre, certains auteurs ont essayé de publier à compte d'auteur leurs oeuvres en version bilingue, notamment en anglais et vietnamien, afin de les rendre accessibles aux lecteurs de l'étranger. L'exemple le plus récent est le recueil de poèmes À zéro heure du poète Trân Huu Dung, publié début août dernier.
Qu'il s'agisse de financement personnel de l'auteur ou de publication par des éditions vietna- miennes en partenariat avec un homologue étranger, il est temps que les écrivains comme les éditeurs du pays prennent conscience de la nécessité de promouvoir la littérature vietnamienne à l'étranger.
Intégration mondiale
À la différence de l'économie, "l'intégration au monde de la littérature" - entendez par là sa diffusion comme d'autres littératures nationales - s'avère modeste. Or, de facto, l'histoire de la littérature vietnamienne ne se limite pas à des oeuvres classiques telles que le Roman de Kiêu de Nguyên Du ou les recueils de poésie de Nguyên Trai et de Hô Xuân Huong. Bien d'autres oeuvres, de littérature contemporaine surtout, mériteraient d'être traduites et diffusées afin de mieux faire connaître comme reconnaître dans le monde la littérature vietnamienne.
Le problème qui s'impose aujourd'hui, c'est de trouver les moyens de traduire et de promouvoir notre littérature de manière plus méthodique, et non plus "à la belle aventure". Lors du 3e congrès des écrivains de Hô Chi Minh-Ville qui a eu lieu récemment, ce point a été discuté avec intérêt sinon passion par de nombreux jeunes écrivains, sans toutefois pour autant aboutir à une réponse satisfaisante.
Après la Conférence sur la promotion de la littérature vietnamienne à l'étranger brillamment organisée en janvier 2010, il semble qu'un centre de traduction sous l'égide de l'Association vietnamienne des écrivains ait été créé. Mais à ce jour, peu connaissent ses modalités de fonctionnement, même les écrivains n'ayant été que fort peu nombreux à être informés de cette naissance...
Quant à l'Association des écrivains de Hô Chi Minh-Ville, la récente réorganisation de son comité exécutif n'a pas laissé place à un sous-comité de la traduction, cette dernière relevant du sous-comité de la création dirigé par un vice-président de l'association. De plus, à parler de traduction, encore ne s'agit-il exclu- sivement que de celle d'oeuvres étrangères pour leur publication en vietnamien, et ce que ce soit au sein de l'Association des écrivains du Vietnam comme de celle de Hô Chi Minh-Ville...
Bien que méritoire, la démarche des Éditions Tre comme de quelques auteurs demeurent des actes "individuels", et tous les auteurs n'ont pas le talent ni la chance de Nguyên Nhât Anh.
Aussi, la littérature vietnamienne a-t-elle besoin de manière urgente d'une stratégie en matière de traduction et de promotion à l'étranger, à même de mobiliser gestionnaires, éditeurs et, bien sûr, écrivains. À Hô Chi Minh-Ville, grand foyer national de la littérature et de l'édition s'il en est, qui sut réunir durant sa longue histoire nombre d'écrivains de multiples générations, la création rapide d'un centre de traduction littéraire ne s'en impose que davantage.
Outre la traduction d'auteurs de cette ville comme du pays tout entier, ce centre pourrait également assurer la sélection et la traduction d'oeuvres étrangères, avant d'envisager plus tard celle d'oeuvres autres que littéraires...
La porte du monde est grande ouverte dans les deux sens, soyons donc plus actifs dans ce nouvel espace de créativité et d'expression artistique. Promouvoir le livre et la littérature, ce n'est rien d'autre que de promouvoir la culture et la communication avec le reste de l'humanité. Et communiquer, c'est toujours se rapprocher.
Minh Phuong/CVN