La formation des musiciens : gare aux fausses notes !

Les conservatoires de musique rencontrent de plus en plus de difficultés pour sélectionner leurs élèves. Rares sont les jeunes qui veulent faire des études de violoniste, de contrebassiste ou encore de clarinettiste... La raison : les perspectives d'emploi, bien sombres.

La liste des candidats réussissant le concours d'entrée au Conservatoire national de musique de Hanoi pour l'année scolaire 2011-2012 montre que très peu parmi eux s'orientent vers les facultés appartenant à la musique d'orchestre (violon, viole, contrebasse, trompette, clarinette...). Ils préfèrent, et de loin, opter pour des études de pianiste et surtout de vocaliste.

À l'École supérieure des arts de Hanoi, la situation est encore plus grave. "L'on voit de plus en plus apparaître le phénomène où les maîtres violonistes, violistes ou contrebassistes sont plus nombreux que leurs élèves. Certains enseignants n'ont même plus d'élèves", s'alarme le directeur adjoint de l'établissement, Nguyên Van Minh. Et d'expliquer : "Cette situation est due au fait que la musique d'orchestre ne remplit pas les salles".

Et d'ajouter : "La société actuelle fait que l'on est obligé de bien réfléchir sur les possibilités d'emploi avant de décider de suivre tel ou tel cursus d'étude".

D'après le directeur adjoint de l'École supérieure des arts de Hanoi, seuls les enfants de musiciens suivent la voie tracée par leurs parents. Il cite encore quelques cas de jeunes passionnés qui ne sont pas issus de familles de musiciens, mais qui ont décidé de faire leurs études au sein de cette école. Toutefois, au moment d'opter pour leur choix de carrière professionnelle, ces jeunes passionnés sont le plus souvent contraints de faire volte-face pour suivre un autre chemin qui leur permettra de trouver un emploi mieux rémunéré, que ce soit dans les finances, l'économie ou encore l'informatique... "Ces jeunes gens aimeraient embrasser une carrière de musicien. Mais leur famille et la vie les obligent à faire un choix. C'est une réalité de notre société", conclut Nguyên Van Minh.

Nombreuses sont les difficultés que rencontrent les facultés d'instruments à cordes de l'École supérieure des arts de Hanoi. "Si à la faculté de musique vocale, nous n'admettons que 40 élèves parmi des centaines de candidats, la faculté de musique orchestrale-piano, spécialité instruments à cordes, doit admettre tous les élèves inscrits", fait-il savoir. La baisse des critères de sélection des élèves a des conséquences directes : la plupart des jeunes admis sont assez médiocres. L'École supérieure des arts de Hanoi doit accepter cette réalité. "Sinon un jour il n'y aura plus personne qui jouera du violon, c'est triste", déplore le directeur adjoint Nguyên Van Minh. Mais il ne désespère pas que "la musique orchestrale retrouve, dans les années à venir, une place digne de sa valeur, comme une place méritante dans la musique nationale".

La vie de concertiste n'est pas une sinécure...

Les orchestres se comptent sur les doigts de la main au Vietnam. Ceux de l'Orchestre symphonique du Vietnam, de l'Opéra-ballet du Vietnam à Hanoi, de l'Opéra-ballet de Hô Chi Minh-Ville, du Conservatoire national de musique du Vietnam, du Conservatoire de musique de Hô Chi Minh-Ville. Ils donnent leurs concerts à l'Opéra de Hanoi et au Théâtre municipal de Hô Chi Minh-Ville.

Pour devenir membres de ces orchestres, les jeunes qui, en plus de posséder un don pour la musique, doivent passer de longues années à étudier. Par exemple, un pianiste ou violoniste doit faire 15 ans d'études avant de prétendre pouvoir intégrer l'orchestre (sept ans d'études élémentaires, quatre ans d'études secondaires et quatre ans universitaires).

Le problème est que les concertistes touchent un salaire qui n'est pas digne des années qu'ils consacrent à se perfectionner… Pham Thanh Hà, violoniste de l'Opéra-ballet du Vietnam, à Hanoi, depuis une dizaine d'années, touche un salaire mensuel de 3,5 millions de dôngs. Lorsqu'il prend part à une répétition, il a le droit de toucher 12.000 dôngs ; une répétition générale, 50.000 dôngs et une soirée de représentation à l'Opéra de Hanoi, 150.000 dôngs. Cet artiste, qui est tout de même le chef du groupe de violonistes de l'orchestre, avoue ne pas parvenir à joindre les deux bouts avec ce salaire, sans parler de sa responsabilité envers la famille, sa femme et ses deux enfants. Outre le travail à l'Opéra-ballet du Vietnam, ce concertiste fait d'autres travaux pour s'assurer un revenu de six ou sept millions de dôngs par mois, lesquels sont malheureusement possibles que quelques mois durant l'année.

Inutile alors de préciser que la quasi-totalité des exécutants de son orchestre doivent recourir à ce genre de travaux afin de pouvoir avoir une vie décente. Ainsi, ils travaillent à l'Opéra-ballet la journée, et la soirée, ils jouent pour quelques hôtels, restaurants afin d'empocher un cachet équivalent à ce qu'ils reçoivent pour une représentation à l'Opéra de Hanoi.

Certains musiciens n'ont d'autre alternative que d'abandonner leur métier, faute d'argent. Minh, violiste dans un orchestre avec derrière lui près de dix ans d'expérience, dit : "C'est agréable à condition de pouvoir faire carrière sans devoir se soucier de l'aspect matériel !". Il a abandonné sa carrière de musicien depuis quelques années pour se convertir à la photographie.

Si le salaire des concertistes est maigre, celui des professeurs de musique des conservatoires l'est aussi. Les enseignants de la faculté de musique orchestrale-piano de l'École supérieure des arts de Hanoi sont pour la plupart titulaires de diplômes post-universitaires (mastère), mais ils ne gagnent qu'environ quatre millions de dôngs par mois. Ces professeurs doivent eux faire du rab. Ils donnent donc des cours dans les centres de formation musicale ou des cours privés.

Mauvaises perspectives d'emploi, salaire bas... tant de problèmes qui ont abouti à une réalité : la pénurie de concertistes à laquelle sont confrontés les orchestres. "Pour les autres métiers, les jeunes générations remplacent les gens à l'âge de retraite. Mais pour les concertistes, les jeunes ne sont pas en nombre suffisant pour assurer le roulement", regrette le violoniste Pham Thanh Hà. Il ne cache pas son inquiétude pour ses deux enfants, qui veulent lui emboîter le pas. Certes, ils ont un don pour la musique, mais leur père hésite à les conseiller de suivre ses traces.

Xuân Lôc/CVN

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