L’historien pionnier de la Nouvelle Poésie

Pham Huy Thông est l’un des pionniers du mouvement de la Nouvelle Poésie (dans les années 1930). Beaucoup d’historiens étrangers l’apprécient hautement.

Le poète Pham Huy Thông (1916-1988).

J’ai fait la connaissance de Pham Huy Thông (il signe Huy Thông en tant que poète) dans Hanoi libérée, quelque temps après les Accords de Genève qui consacrent la partition du pays de part et d’autre du 17e parallèle. Il a eu la gentillesse de préfacer mon modeste essai historique Le Vietnam en Marche (Éditions en langues étrangères-Hanoi, 1955).

Dix ans après la proclamation de l’indépendance, il écrit dans cette préface : «Essayer d’évoquer pour les amis du Vietnam, les origines et la physionomie du Vietnam nouveau, les vœux et les espoirs de notre peuple, tel est le but du présent ouvrage. L’auteur se propose de donner en quelques pages rapides et claires, à        des millions de gens simples de tous les pays un aperçu des luttes qu’a soutenues et que soutient notre peuple, des sentiments qui l’ont animé et qui continuent à l’animer».

Ces lignes datant de 1955 disent le bouillonnement de la lutte politique en République démocratique du Vietnam (Nord Vietnam) en vue de la réunification pacifique du pays.

Pham Huy Thông venait de regagner le Nord Vietnam, étant jugé indésirable par l’administration Ngô Dinh Diêm à cause de ses activités en faveur du Mouvement mondial de la paix…

Le secrétaire particulier du Président Hô Chi Minh

Agrégé d’histoire et Docteur en droit de Paris, il fut un des dirigeants influents de la lutte patriotique menée par les émigrés vietnamiens en France. Il a servi comme secrétaire particulier de Hô Chi Minh lors de la visite officielle du Président en France. Il fit partie de la Délégation de la République démocratique du Vietnam au cours des pourparlers de Fontainebleau. Il fut expulsé de la Métropole en 1952 par la police française. Son séjour mouvementé au Sud Vietnam s’est terminé en 1955 par une nouvelle expulsion.

Le professeur Pham Huy Thông (au centre) et ses confrères de l’École normale supérieure de Hanoi dont il a été le directeur de 1956 à 1966.

Au Nord, il assume des fonctions importantes, en particulier comme directeur de l’École normale supérieure (1956-1967) et de l’Institut d’archéologie du Vietnam.

Beaucoup d’historiens étrangers l’apprécient hautement. Thomas Hodgkin, Eméritus Fellow d’Oxford et spécialiste de l’histoire africaine, lui doit beaucoup dans l’élaboration de la première œuvre historique britannique sur le Vietnam contemporain : Vietnam-The Revolutionary Path (the MAC MILLAN PRESS-1981). Il lui a rendu cet hommage : «Pham Huy Thông m’a appris beaucoup sur les périodes de l’Antiquité et du Moyen Age, et a éveillé mon intérêt au sujet des témoignages archéologiques».

Un poète lyrique

L’historien engagé Pham Huy Thông est doublé d’un poète lyrique. Il se classe parmi les pionniers du mouvement dit Thơ mới (Nouvelle Poésie) qui a explosé dans les années 1930 au temps de la colonisation française. Les jeunes générations se lassent de la poésie classique surannée, anémique, formaliste et impersonnelle. À l’école des romantiques français, en particulier de Lamartine, Hugo, Musset, on préconise une poésie individualiste, personnelle, le poète vaut ce que vaut son moi, s’affranchissant des chaînes du confucianisme moralisateur et des anciens procédés rigoristes.

L’œuvre poétique essentielle de Pham Huy Thông remonte à ses printemps, entre 1932 et 1937 : Yêu đương (Aimer, en 1933), Anh-Nga (1934), Tiếng địch sông Ô (Chant de flûte sur le fleuve Ô-1935), Tân ngọc (1936). Il innove le drame en vers aspirant à l’amour absolu et à la magnanimité des preux d’antan, le jeune poète cherche l’évasion par l’imagination, le rêve et le souffle épique de l’histoire.

La rue baptisée Pham Huy Thông dans l’arrondissement de Ba Dinh, Hanoi.

Typique à cet égard est le drame lyrique Tiếng địch sông Ô, inspiré par les anciennes annales chinoises.

Chant de flûte sur le fleuve Ô

Hang Vu (Hang Tich), roi des So, est un preux chevalier. Vaincu à Cai Ha par son rival Luu Bang, roi des Han. Il compte sur une suprême contre-offensive pour reprendre la situation en main et établir son pouvoir sur tout l’Empire. Mais, au bivouac sur la rive du fleuve ô, il ne peut se décider à combattre, craignant pour le sort de sa femme, la noble Ngu… La flûte nostalgique de Truong Luong, conseiller de Luu Bang, ajoute à sa lassitude et à son incertitude.

Ci-dessous, des extraits de ce drame (traduit par l’auteur) :

(…) Comme au temps de la première rencontre,

L’ivresse et l’enchantement envahissent son cœur héroïque.

Le dos souple contre le dossier du siège, la noble Ngu

Regarde, rêveuse, par la lucarne dehors,

Laissant sa mélancolie voleter sur les ailes du vent.

Sa place assise

La lune bleuâtre d’un rai oblique l’éclaire à part,

Et le roi Hang, en extase, s’imagine

Que du palais lunaire descend vers lui la déesse Hang…

Le store de perles montant soudain en s’enroulant,

La reine s’éveille tout étourdie de son rêve merveilleux

Elle se retourne. Et voit le roi dans la tente.

Et se lève. Et s’incline pour saluer le chef son époux.

Le roi s’approche, entre ouvre sa bouche douloureuse,

Et, hésitant, s’apprête à parler…

Soudain, morne,

Chantant à l’oreille comme la voix d’un pin qui sanglote,

Comme une source solitaire qui par un soir d’automne s’épanche en pleurs étouffés

Une flûte lointaine module ses mélodies sur le fleuve Ô.

Elégie qui empoigne et qui trouble.

Qui aiguillonne les angoisses secrètes.

Et étreint et embrase les entrailles de Hang Tich…

L’âme engourdie, le seigneur So lisse la frange des rideaux

En contemplant de la reine les yeux lumineusement noirs,

Ces yeux ardents et nostalgiques et passionnés

Et débordants de fervente tendresse,

Ces sourcils élégants à la courbe douce comme les contours des nuages

Collines printanières éprises du souffle printanier

Sous le galbe d’un front songeur se ployant avec grâce,

Ces cheveux éclatement noirs, étang limpide dans l’épaisse obscurité nocturne,

Flottant parfois au gré de la brise

Et glissant avec abandon onde qui se cambre, le long d’un dos étroit.

Sur le fleuve O, irréelles planent les variations

Quand dans les ténèbres insondables, petit à petit s’estompe la flûte.

La flûte s’est estompée. Mais le souvenir de ses accords

Toujours dans la brume nocturne se perpétue comme un chuchotement (…)

Huu Ngoc/CVN

 

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