L’Est et l’Ouest pourront ont-ils se rencontrer ? Kipling disait non. C’était en 1890. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du monde depuis. Et aussi beaucoup d’événemens dramatiques ont bouleversé le monde, nous permettant de donner une réponse double : oui et non…
Oui du point de vue de la philosophe de l’histoire, non du point de vue de l’anthropologie culturelle. Pour la philosophie de l’histoire, l’histoire de humanité est la réalisation d’un plan rationnel et l’histoire a un sens.
C’est une marche en avant dans le sens du développement matériel, moral et culturel, de l’affranchissement humain de la nature. Le terme vietnamien «con người» (con = animal + người = homme) est significatif à cet égard : con est un article employé pour tous les animaux, người est un nom.
Rapprochement Orient-Occident
Le progrès vise à diminuer la nature instinctive du con (animal/bête) au profil du perfectionnement du người (homme), de l’humanisation. La croyance au progrès serait-elle une utopie héritée du siècle des Lumières ?
La mondialisation, l’un des facteurs permettant de rapprocher les peuples plus rapidement que jamais. |
Confucius conçoit le progrès. Le mot Progrès provient du latin (progredi = aller en avant) dans le sens inverse, comme un retour au passé idyllique des empereurs mythiques.
Pour contre, il prêche la vertu d’humanité principe universel émanant du T’ien (Ciel) qui gouverne l’univers par la justice et la bonté. Sun Zi nie la volonté céleste et pense que l’évolution de l’univers dont fait partie l’homme dépend de la nature qui évolue sans plan. Rousseau considère la civilisation non comme un progrès mais comme un recul de la nature humaine.
Laissons les philosophes philosopher sur la notion du progrès et le développement humain. Une chose est certaine historiquement, c’est que l’humanité a réalisé certains progrès, au cours d’un trajet plurimillénaire pénible, douloureux, même sanglant.
On ne peut nier que l’histoire de l’homme a enregistré un progrès concernant le rapprochement des nations et des hommes, la réalisation de plus en plus élargie et effective des libertés individuelles et nationales, d’un bien-être relatif.
Au XXe siècle, le défi atomique lancé par Hiroshima, la leçon donnée par les destructions infernales des deux guerres mondiales, les bouleversements politiques et sociaux spectaculaires, les changements économiques et écologiques causés la troisième révolution industrielle, la décolonisation et le tiersmondisme, la fin de la guerre froide et la mondialisation face aux problèmes planétaires ont rapproché les peuples plus rapidement que jamais.
Hô Chi Minh et les valeurs de l’Occident
Dans le processus d’acculturation mondiale, il faut rendre hommage aux pionniers du rapprochement Orient-Occident tels que Tagore, Mahatma Gandhi, Aurobindo, Romain Rolland, Lafcadic Hearu, Pcarl Buck, Hermann Hene, Kazankasis, Hô Chi Minh…
Le Président Hô Chi Minh rencontre des enfants allemands en 1957 en République démocratique allemande. |
Si étrange que cela puisse paraître, Hô Chi Minh qui incarne la lutte des peuples opprimés contre le joug de l’Occident colonialiste, est culturellement proche de l’Occident. Jean Lacouture trouve qu’il a des «signes évidents de liens intellectuels et politiques» avec le peuple américain. «Il était très français», note Edmond Michelet, ministre gaulliste. «Il avait activement participé aux grèves des bords de la Tamise qui restaient un des grands moments de sa vie errante»(1). À la différence d’autres éminents leaders révolutionnaires d’Asie tels que Mao Zedong, il s’était formé et avait fait ses premières armes politiques en Europe.
Ce qui ne l’empêchait pas d’être profondément vietnamien, asiatique. Tous ses interlocuteurs en sont frappés. Selon jean Roux, journaliste à France Tireur, Hô Chi Minh «combinait en lui l’héroïsme et la sagesse», «porteur de la sagesse de l’Asie»(2)
Lorsque Hô Chi Minh naquit, le Vietnam était colonie française depuis une décennie. Comment libérer la nation et améliorer le sort du peuple ? C’était là l’équation de toute sa vie. En 1911, il partit en France pour chercher une voie de libération nationale. Il avait 21 ans, une formation de base assez solide pour lui permettre d’assimiler le nouveau sans renier ses racines, d’être «l’homme moderne le plus représentatif du Vietnam»(3).
Au cours de ses pérégrinations de par le monde, il garderait vivants les souvenirs de son enfance et de son adolescence: être et choses de son pauvre village de Kim Liên, sa modeste famille de lettrés paysans patriotes, le bouillonnement de la lutte populaire contre l’occupant. Il préserverait toujours «les éternelles valeurs vietnamiennes : respect des vieux gens, mépris de l’argent, affection des enfants»(4).
Huu Ngoc/CVN
(À suivre)
1. Michèle Zecchini, «Hô Chi Minh», Planète-Action, Paris, 1970
2. «Manilla Times», 6 Septembre 1969
3. Christiane Pasquel Rageau, «Hô Chi Minh», Éditions universitaires, Paris, 1970
4. David Halberstam, «Ho-A Vingtage Book», New York, 1971