L’espadrille basque revit grâce à l’export

Le berceau de l’espadrille semblait condamné à s’éteindre. Aujourd’hui, c’est le boom des espadrilles basques, grâce à deux jeunes entrepreneurs qui ont inventé des modèles design très prisés notamment en Asie.

Une dizaine de personnes s’activent dans un grand hangar vétuste du centre de Mauléon-Licharre, dans la province basque de la Soule (Sud-Ouest de la France), pressant, collant et découpant pour produire ces chaussures d’été légères en toile avec une semelle de jute.

L’espadrille, chaussure d’été légère en toile avec une semelle de jute.

Les rouleaux de tissus évoquent le modernisme de la marque, «Art of Soule», qui fait produire ici ses espadrilles : classiques, rayées, liberty, multicolores, façon «Sex Pistols». Les stocks, dans la première salle en rentrant, sont clairsemés, témoignage de commandes nombreuses.

Une succes story fruit de l’alliance de deux amis d’enfance, Mathieu Labat et Julien Maisonnave, âgés respectivement de 36 et 37 ans. Le premier a fait des études de droit et le second Sciences Politiques à Bordeaux.

Après un passage dans le monde du sport pour l’un et la banque pour l’autre, ils reviennent à leurs origines basques en décidant de se lancer dans l’espadrille, chaussure populaire très portée en France et en Espagne, avec une pointe d’imagination en plus.

Il y a cinq ans, «nous avons commencé en vendant sur les marchés de Biarritz, Hendaye et Guéthary», témoigne Mathieu Labat. «Ghéthary c’est très branché, avec une population parisienne qui vient l’été (...) qui donne un peu la tendance, bien habillée et chic», dit-il pour expliquer le choix de ce marché.

Explosion des ventes en Asie

Puis, arrive le coup de chance. Lors d’un salon du prêt-à-porter à Florence, en Italie, en juin 2011, ils rencontrent un distributeur asiatique, emballé. Yoshi Watanabe, directeur de Diadoh international, distributeur de la chaîne de magasins d’accessoires de mode United Arrows, a «trouvé notre produit exceptionnel», assure avec fierté Julien Maisonnave.

«Il voulait du +Made in France+, de l’authenticité, il a même demandé à venir voir l’entreprise à Mauléon. Pour le marché asiatique la culture c’est très important. Pour eux, le Français, c’est le béret, la baguette et l’espadrille», s’amuse-t-il en signalant l’estampille «Made in France» collée sous la semelle en caoutchouc de la traditionnelle tresse de jute.

L’atelier Megan dans la province basque de la Soule (Sud-Ouest de la France).

Ce Japonais interrogé par téléphone par l’AFP, abonde dans son sens : «Notre clientèle est prête à payer plus cher l’espadrille si elle est fabriquée en France», dit-il.

Grâce à cette alliance, la marque «Art of Soule» est distribuée aujourd’hui à Hong Kong, au Japon et à Taïwan, où elle se vend jusqu’à 80 euros la paire.

Pour l’été 2012, Mathieu Labat et Julien Maisonnave ont fabriqué 50.000 paires, dont 65% pour l’exportation. En seulement un an, les ventes en Asie ont explosé, passant de 0 à 20% du total des exportations.

Cette réussite fait aussi et surtout le bonheur du fournisseur de Art of Soule, Armand Marzat, dirigeant de l’atelier Megan.

«Les années 1990 ont été terribles. Les espadrilles du Bangladesh, à des prix défiant toute concurrence, avaient envahi le marché», se souvient cet homme, appartenant à la troisième génération à diriger l’entreprise, qui emploie entre 10 et 25 personnes selon la saison.

La toile est tissée en Espagne et le jute arrive d’Asie, mais le savoir-faire local reste unique, dit-il: «Notre secret, c’est le point de finition effectué par des machines qui n’ont plus d’âge mais que seuls ma mère et moi savons réparer. C’est notre gage de qualité».

Art of Soule et Megan ont su en plus travailler l’originalité, inventant de nouveaux produits comme les espadrilles «hawaïennes» ou encore celles disposant de semelles en latex, lavables en machine.

Les fondateurs de la marque dont le chiffre d’affaires est passé de 35.000 à 600.000 euros en cinq ans, rêvent d’ouvrir leurs propres magasins à Tokyo et à Hong Kong et de continuer à sauver d’autres fournisseurs dans la région : un fabriquant de bérets et un maroquinier notamment.

AFP/VNA/CVN

 

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