Un seul des trois brise-glaces américains serait en mesure de réagir à une catastrophe au large des côtes Nord de l'Alaska, une région prise par les glaces pendant les trois quarts de l'année, a souligné récemment l'amiral à la retraite Thad Allen, qui avait été chargé par l'administration Obama de superviser la réponse à la marée noire du golfe du Mexique en 2010.
L'ancienne adjointe au gouverneur de l'Alaska, Fran Ulmer, est catégorique : avant de forer, les États-Unis doivent "investir dans les garde-côtes". "Ce n'est pas juste une possibilité, c'est une étape obligatoire que notre pays doit franchir", selon Mme Ulmer, membre d'une commission nommée par la Maison Blanche et qui a appelé le mois dernier à une supervision accrue de l'État fédéral pour éviter que la catastrophe du golfe du Mexique ne se reproduise.
Les républicains, qui ont remporté en novembre la majorité à la Chambre des représentants, sont favorables à l'exploration et l'exploitation au large de l'Alaska, où le pétrole abonde. Mais ils sont aussi soucieux de limiter les dépenses budgétaires et risquent d'être peu enclins à investir dans des brise-glaces coûteux.
L'amiral Allen a pourtant brossé un sombre tableau des problèmes auxquels feraient face les autorités en cas de situation d'urgence dans l'Arctique.
Contrairement à la Louisiane, la petite ville de Barrow, proche de la zone de forage ou certains puits et certaines plateformes ont déjà été érigés, manque d'infrastructures pour héberger les employés du secteur pétrolier, sans compter des sauveteurs et des équipes d'urgence. "Avec 30 personnes, on occupe tous les lits", a souligné Thad Allen.
La ville n'a pas de hangar et de matériel de dégivrage pour les avions. "À ce stade, l'absence de base opérationnelle serait un handicap sérieux, non seulement pour la réponse à une marée noire, mais pour les opérations de recherches et de secours", selon l'amiral. Onze employés sont morts lorsque la plateforme Deepwater Horizon, exploitée par BP, a explosé en avril 2010, et près de 5 millions de barils de pétrole se sont répandus dans l'océan avant que le puits ne soit définitivement bouché trois mois plus tard.
La commission dont faisait partie Fran Ulmer a attribué l'accident à des problèmes "systémiques", notamment le manque de rigueur dans l'application des règles de sécurité de l'industrie pétrolière, et a averti qu'une telle catastrophe risquait de se reproduire.
En décembre, le ministre des Affaires intérieures Ken Salazar a interdit les nouveaux forages dans l'Est du golfe du Mexique et dans l'Atlantique jusqu'en 2017, mais a annoncé qu'ils étaient autorisés dans l'Arctique.
La seule compagnie qui a demandé l'autorisation de forer dans la région, la Royal Dutch Shell, a annoncé récemment qu'elle avait reporté le début des opérations, faute d'avoir obtenu les permis nécessaires.
Salué par les défenseurs de l'environnement, ce contretemps a mécontenté les responsables politiques de l'Alaska, comme le gouverneur républicain Sean Parnell. "Le gouvernement fédéral traîne les pieds, tue des emplois et nous rend encore plus dépendant du pétrole du Proche-Orient et d'ailleurs", a-t-il affirmé.
Le sénateur démocrate de l'Alaska, Mark Begich, abonde dans son sens, assurant que le gouvernement fédéral "a profité d'à peu près toutes les occasions possibles de bloquer le développement responsable de l'Alaska".
AFP/VNA/CVN