Le tuk-tuk, un tricycle constitué d'un avant de scooter soudé à une remorque deux-roues, est un moyen de transport particulièrement bien adapté aux conditions économiques de Gaza sous blocus israélien depuis 4 ans.
Ahmed Al-Idrissi, un comptable de 29 ans, qui gagne sa vie en achetant et revendant des appareils ménagers depuis son licenciement en 2007, s'est débarrassé de sa voiture pour 5.400 euros il y a quelques mois. Il a acquis à la place un tuk-tuk haut de gamme de 1.900 euros.
Baptisé "Wadi Terbo", l'engin bleu flambant neuf, les pare-chocs et les phares encore protégés par du papier bulle, parcourt 25 kilomètres par litre d'essence et peut traverser toute la bande côtière en un peu plus d'une heure, le prix du carburant -moins cher que l'eau- excédant rarement 3 dollars par jour.
"La nourriture pour les ânes, elle, est coûteuse, car elle vient d'Israël. En ce moment, la chose la moins chère à Gaza, c'est l'essence", dit M. Idrissi.
Aujourd'hui, le litre d'essence importé d'Égypte coûte 50 US cents (0,40 euros), soit moins d'un tiers du prix du litre importé d'Israël.
Ceci explique en partie le recours à des générateurs fonctionnant à l'essence, qui font marcher les ventilateurs et les systèmes d'air conditionné le long des rues surpeuplées de Gaza, lors des fréquentes coupures de courant. Cela permet également à Abou Fayez, 36 ans, de venir en aide à sa large fratrie, en pilotant son tuk-tuk jaune vif entre les fermes du territoire, où il achète des poulets qu'il revend au marché Chajayah de Gaza. "C'est beaucoup plus rapide qu'un âne. Il peut monter à 80 km/h. Et l'animal me coûterait 20 à 30 shekels (4 à 6 euros) par jour pour la nourriture, quand l'essence vaut seulement 10 shekels (2 euros)", souligne-t-il.
Les tuk-tuks de Gaza sont le plus souvent fabriqués en Chine, acheminés en pièces détachées par les tunnels égyptiens et assemblés de nouveau dans la ville frontalière de Rafah.
En dépit de l'allègement récent du blocus israélien, les automobiles ne sont toujours pas autorisées à pénétrer dans la bande de Gaza.
Et ces derniers mois, les concessionnaires automobiles de la rue Salaheddine, la principale artère de Gaza, se sont résignés à exposer des tuk-tuks dans leurs vitrines pour rester en activité.
Moustafa Abou Warda, vendeur de voitures à Gaza depuis plus de 30 ans, souhaiterait reprendre son commerce d'antan et, comme la plupart des hommes d'affaires de Gaza, il déplore l'économie "souterraine" des tunnels. "Quand nous vendions des voitures importées d'Israël, tout le monde y trouvait son compte : les vendeurs, les mécaniciens, les garagistes. Tout le monde avait du travail. Avec les tuk-tuks, le seul qui en profite, c'est le propriétaire du tunnel", se plaint-il. "Il me prélève une commission de 230 euros pour chaque tuk-tuk et ma marge n'est que d'une centaine d'euros. Je suis presque déficitaire". Néanmoins, il comprend l'intérêt du nouveau transport : "Les ânes meurent. Pas les tuk-tuks".
AFP/VNA/CVN