Une conférence sur les travailleurs vietnamiens en France s'est déroulée le 2 février au siège de l'Union générale des Vietnamiens de France (UGVF) à Paris. Il s'agit d'une initiative de l'Association d'amitié franco-vietnamienne (AAFV), du Centre d'information et de documentation sur le Vietnam (CID) et de l'UGVF, qui a attiré la participation d'un grand nombre de Français et Vietnamiens résidant en France. On notait notamment la présence de l'auteur du livre Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952) - le journaliste Pierre Daum (photo), de quelques derniers témoins encore vivants comme le peintre Lê Ba Dang, Lê Van Phu, ainsi que de certains enfants de travailleurs indochinois.
La vie des travailleurs vietnamiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale ne suscite de l'intérêt que depuis quelques années, grâce à l'attention de la presse française dont le journaliste Pierre Daum. Son livre retrace l'odyssée des "travailleurs indochinois" venus de force en France en 1939/1940 pour suppléer dans les usines de guerre, la main-d'œuvre mobilisée. Prenant la parole à la conférence, Pierre Daum a rappelé le voyage long et pénible de ces hommes, l'injustice qu'ils ont due subir auparavant, ainsi que les premiers gestes de reconnaissances des autorités locales françaises en leur faveur.
Ce livre est le fruit de 4 ans qu'il a consacrés à parcourir la France et le Vietnam, retrouver les derniers de ces hommes encore vivants, recueillir 25 témoignages avant que cette mémoire orale ne disparaisse à jamais. Son œuvre a contribué à lever enfin le voile sur cette page sombre de l'histoire coloniale française, à valoriser les contributions de ces travailleurs indochinois et retrouver la reconnaissance des Français en faveur de ces derniers. À la conférence, certains témoins et les enfants des travailleurs déjà décédés ont parlé de leur situation difficile et malheureuse, alors que la France ne les reconnaissait pas.
Histoire d'immigration de force
En septembre 1939, la France ordonne à l'administration de l'Indochine de recruter de force 20.000 paysans vietnamiens. Ces derniers sont envoyés en France par voie maritime et obligés de travailler dans des établissements de la Défense nationale en tant que des ouvriers non spécialisés (ONS). Défaite en 1940, la France a décidé de renvoyer ces ONS à leur pays natal. Mais à cause de la guerre, dès l'été 1941, la route maritime vers l'Extrême-Orient a été coupée et 15.000 travailleurs indochinois se sont retrouvés bloqués en France pour toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, et même au-delà. Le service de la main-d'œuvre indigène, qui gérait ces hommes au sein du ministère français du Travail, a décidé alors de louer cette main-d'œuvre à des entreprises privées, ou à des collectivités locales. Quelque 1.500 travailleurs ont été envoyés en Camargue, où ils pratiquaient la riziculture et la production de sel. Selon le journaliste Pierre Daum, ce sont ces hommes immigrés qui ont apporté à cette région une fortune et une culture dont les Arlésiens profitent encore aujourd'hui.
Pour ces contributions, en décembre 2009, le maire d'Arles a rendu hommage aux travailleurs indochinois envoyés dans cette région pendant la Seconde Guerre mondiale. Hélène Luc, sénatrice d'honneur, présidente de l'AAFV, a exprimé son souhait de voir d'autres localités françaises suivre l'exemple d'Arles. Elle a en outre adressé une pétition au gouvernement français en lui demandant d'édifier des politiques de reconnaissance en faveur de ces derniers. Quant à Pierre Daum, il est convaincu qu'il est temps que la France regarde cette page sombre de son histoire coloniale pour reconnaître et honorer les contributions des travailleurs indochinois.
Nguyên Thu Hà/CVN