Vivant dans l'Hexagone depuis 1954, cette femme originaire de Hanoi est actuellement présidente et fondatrice de l'association Orange Fleurs d'espoir, après avoir fondé en 2001 avec des amis l'Association Vietnam, les enfants de la dioxine, dont elle a assuré le poste de secrétaire général jusqu'en 2008.
Les images et la vie des victimes de l'agent orange/ dioxine du Vietnam dans le film Noi chiên tranh da di qua (Là où la guerre est passée) de la réalisatrice Vu Lê My, que Mme Xuân Phuong, dont la formation est celle d'ethno-sociologue, a regardé en 1997, a constitué un tournant dans sa vie. Elle leur consacre son temps comme son énergie. Son appartement à Paris devient une adresse pour les victimes de l'agent orange/dioxine. Maintes réunions et échanges visant à aider les victimes vietnamiennes ont été ainsi organisés chez elle.
Après sa naissance en mars 2008, l'association Orange Fleurs d'espoir est présente dans maintes régions au Vietnam pour assister les centres vietnamiens de formation professionnelle et établissements d'aide par le travail, afin de permettre aux jeunes handicapés capables de travailler la possibilité d'acquérir un vrai métier leur assurant autonomie financière et place au sein de la société. Des bénévoles d'autres associations, telle l'Association générale des intervenants retraités (AGIRabcd), apportent leurs expériences et leurs compétences professionnelles pour garantir la réussite technique des projets.
Mme Xuân Phuong indique que le comité exécutif de cette association comprend actuellement 6 personnes dont 4 Viêt kiêu. En 2008-2009, 5 donateurs privés français et vietnamiens ont versé plus de 12.000 euros pour la réalisation des projets. L'association Solidarité Enfants Vietnam des étudiants en médecine de l'Université René Descartes et l'association AGIRabcd ont fait des donations similaires. Les subventions du Conseil général du Val de Marne, du Conseil régional d'Ile-de-France, de l'Agence des micro-projets de la Guilde européenne du Raid, de la ville d'Ivry-sur-Seine sont montés à 16.000 euros, et les ventes d'artisanat lors des projections-débats, manifestations de la Semaine de solidarité internationale, ainsi que des marchés de Noël à Paris et en province, à plus de 8.000 euros. Ces sommes ont permis d'aménager à Nha Trang un centre de rééducation fonctionnelle et d'éducation pour les enfants handicapés de la province de Khanh Hòa (Centre), comprenant 2 chambres d'hôtes pouvant accueillir 4 ou 5 intervenants étrangers et un atelier de confection de fleurs artificielles en 2008 (fleurs qui sont commercialisées sur place, en France, au Canada et aux États-Unis).
En septembre dernier, un atelier thérapeutique de poterie et de céramique ainsi qu'un atelier de couture a commencé à fonctionner, et reçoivent déjà des commandes d'hôtels et de restaurants de Nha Trang, mais aussi d'associations françaises telle APPEL-Lorient. Ces objets seront également vendus lors des manifestations 2009 de la Semaine de solidarité internationale dans la Région parisienne et en province.
L'association Orange Fleurs d'espoir est membre du Collectif Vietnam-dioxine qui regroupe toutes les associations d'information et d'aide aux victimes de l'agent orange/dioxine du Vietnam. Ce collectif a été fondé à l'initiative des jeunes Viêt kiêu et Vietnamiens venus étudier en France.
Une passerelle de l'humanité
Pour Mme Xuân Phuong, il est important de respecter la "dignité" des victimes en leur offrant la possibilité d'exploiter tous leurs potentiels. Il ne faut pas les enfermer dans des tâches répétitives peu valorisantes, au contraire elles doivent pouvoir développer toute leur créativité en concevant des bijoux en céramique originaux, ou des accessoires (sacs, fleurs artificielles en soie, ceintures...) dignes de figurer dans des défilés de mode.
Pour ceux qui sont moins doués pour l'art, les activités agricoles offrent beaucoup de possibilités tout aussi valorisantes comme la culture biologique de champignons, de fleurs, de plantes médicinales, de légumes et de fruits, de chanvre et de lin (dont les graines pressées donnent des huiles riches en acides gras polyinsaturés indispensables à la santé, et dont les fibres peuvent être utilisées pour le tissage et la confection de vêtements, de linge de maison, d'accessoires de mode de qualité).
L'association Orange Fleurs d'espoir mobilise les universités, écoles et associations professionnelles du domaine du handicap (ergothérapie, orthophonie, éducation spécialisée, kinésithérapie, psychomotricité...) à envoyer professionnels et stagiaires travailler avec les équipes vietnamiennes. L'année dernière, 6 étudiants en médecine, 3 élèves-infirmières, 2 étudiants en ergothérapie et un élève de l'École des hautes études en santé publique ont ainsi participé aux activités des centres du Vietnam qui accueillent des enfants handicapés.
En octobre et novembre 2008, 4 directeurs d'établissement pour handicapés dont la directrice du Centre de rééducation fonctionnelle et d'éducation des enfants handicapés de Khanh Hoà, Trân Thi Ngoc Liên, ont été invités en France grâce à une subvention du Conseil général du Val-de-Marne. Suite à la visite de plusieurs centres français d'aide par le travail, les projets d'ateliers de poterie-céramique et de couture ont vu le jour. D'autres projets vont suivre en 2010 avec l'aide de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), des ateliers de peinture sur soie dans plusieurs centres (Nha Trang, Cu Chi, Ninh Binh...), outre d'autres ateliers de céramique pour élargir la gamme des produits à vendre en France : foulards, tableaux, cartes de voeux peintes à la main...
En mai dernier, le tribunal international d'opinion s'est tenu 2 jours de suite à la Maison des mines de Paris à l'initiative de l'Association internationale des juristes démocrates, afin de mobiliser l'opinion mondiale en faveur des victimes vietnamiennes de l'agent orange, et pour protester contre le rejet par la Cour suprême des États-Unis des demandes de l'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange/ dioxine. Plusieurs membres de l'association y ont participé activement.
Pour les années 2010 et 2011, l'association créera un centre thérapeutique et pédagogique à Ninh Binh (Nord) en collaboration avec l'actuelle entreprise de culture de champignons dont la directrice Pham Thi Cuc est une ex-jeune volontaire de la piste Hô Chi Minh, comme toutes les femmes qui y travaillent. Ces femmes, qui ont coánuré leur jeunesse à l'indépendance du pays, manquent cruellement de moyens pour moderniser et développer leur entreprise. "Nous sommes d'accord pour leur prêter 8.000 euros sans intérêt pendant 5 ans. En outre, une maison commémorative et une zone de tourisme écologique pourront être construites", déclare la présidente. Pour attirer des fonds destinés à ce projet, des concerts de musique seront organisés en 2010 au Vietnam et en France. L'association compte également sur l'aide des écoles d'ingénieurs agricoles, du réseau français "Bienvenue à la ferme" et de la Chambre nationale d'agriculture.
"Chaque activité de notre association est une fleur d'espoir", conclut Mme Xuân Phuong.
Hoàng Phuong/CVN