Des bénévoles des Restos du cœur distribuent une aide alimentaire à des personnes dans le besoin, le 13 octobre à Paris |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Nés d'une idée de Coluche en 1985, les Restos du cœur accueillent chaque année les personnes démunies pour leur campagne d'hiver. En fonction de leurs ressources et de la composition de leur famille, elles se voient attribuer des points qui leur donnent droit à des denrées alimentaires. "Œufs, pain, pâtes, haricots, thon... un peu de tout", énumère Amira, une botte de poireaux dépassant de son caddie, en sortant du centre d'Argenteuil, ouvert dès lundi 23 novembre.
"Ça permet de faire des économies à la maison", raconte la jeune femme de 25 ans, sans emploi, présente comme une soixantaine d'autres personnes devant le centre le plus important du Val-d'Oise. L'année dernière, les Restos du cœur ont accueilli 875.000 personnes et distribué 136,5 millions de repas. "Je pense que cette année on dépassera le million de personnes", estime Patrice Blanc, président de l'association.
Pour l'heure, l'association chiffre la hausse des inscriptions pour la campagne d'hiver à +10%, les situations étant "variables selon les départements", avec une explosion de la demande en Seine-Saint-Denis (+45%) et à Paris (30%), selon M. Blanc. La crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont amené des nouveaux bénéficiaires : "depuis le confinement, on a vu venir les gens qui n'ont plus rien parce qu'ils ont perdu leurs petits boulots", décrit Josiane Le Blond, responsable du centre d'Argenteuil, qui a accueilli 1.500 familles l'année dernière et a enregistré 400 nouvelles inscriptions.
Parmi eux, Farida, 40 ans, marquée par un divorce en juin et la difficulté à trouver un travail dans la restauration. "Le premier pas est le plus difficile", confie la femme, chariot à la main, venue s'inscrire à la campagne d'hiver sur conseil de son assistante sociale. "La crise financière de 2008 s'était traduite par une augmentation en deux ans de 25% de personnes en plus ayant recours à l'aide alimentaire. Nous devons nous préparer à la montée d'une vague d'une ampleur au moins équivalente", alerte le président de l'Association. Pour les Restos du cœur, "l'enjeu majeur de cette 36e campagne est de continuer à faire face. Dans l'urgence mais aussi sur le long terme".
Drive et fin du coin café
La crise sanitaire a également changé l'organisation des centres. La distribution accompagnée (les bénéficiaires entrent dans le centre et sont accompagnés par des bénévoles) a laissé place à un système de drive, où les bénévoles amènent les denrées alimentaires à l'entrée du centre où les bénéficiaires attendent en file. "La plupart de nos locaux ne sont pas adaptés pour respecter les consignes de distanciation", explique M. Blanc. L'arrivée de l'hiver et la dégradation des conditions climatiques interrogent sur la pérennité de ce système. Exit également le "coin café" qui offrait un moment de convivialité.
L'association alerte sur la situation des jeunes, de plus en plus nombreux à frapper à leurs portes: avec la disparition des petits boulots qui a plongé des étudiants dans la précarité, ils représentent "une source d'inquiétude encore plus particulière" pour Patrice Blanc. Les moins de 25 ans représentent déjà près de la moitié des bénéficiaires, les mineurs, 40%. Parmi les bénéficiaires de plus de 16 ans, 36% sont en recherche d'emploi, 12% perçoivent une retraite, 6% ont un emploi et 6% sont étudiants.
Avant la crise du COVID, fin 2019, quelque 9,3 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France, selon l'Insee, et près de 5 millions avaient recours à l'aide alimentaire. Pour certaines associations, la crise va plonger un million de personnes supplémentaires dans la pauvreté.
AFP/VNA/CVN