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Des clients devant le kiosque à journaux itinérant d'Andrea Carbini. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Chaque matin, il débarque avec son triporteur au vrombissement reconnaissable entre tous, se gare sur une placette d'un quartier de Milan et ouvre les deux portes de son Ape : réponse à la crise de la presse, le kiosque à journaux itinérant est né.
"Il Corriere della Sera!" "Deux euros, bonne journée, à demain!" : Andrea Carbini, kiosquier nouvelle formule, a la gouaille et la bonne humeur des colporteurs d'autrefois.
Aux petits soins, il promet de mettre le journal de côté, de chercher tel livre, demande des nouvelles de la famille.
Et alors qu'il doit prendre la direction d'un autre quartier vers 11h30, il ne fera vrombir son moteur que vers midi, ayant dû entre-temps rouvrir son triporteur jaune et blanc de nombreuses fois, face à l'afflux de clients.
"Je viens tous les jours. Le kiosque a fermé en juillet et heureusement, l'Ape vient depuis un mois, explique Maria Ricciardi, 77 ans. Je n'aime pas internet, cela peut être nécessaire, mais la vraie culture ce sont les livres, les quotidiens".
Depuis la fermeture du kiosque, "je devais faire une belle trotte à pied", raconte Maria Malzani, 72 ans. Alors, pour elle et son mari typographe qui ont toujours lu les journaux, cette initiative est "fabuleuse".
Andrea Carbini, 52 ans, en a eu l'idée pour contrer la disparition des kiosques.
"Il y a dix ans, il y en avait encore 650 à Milan, maintenant ils ne sont plus que 450", souligne Diego Averna, du syndicat Cisl, en soulignant que beaucoup sont "juste au-dessus de la survie" grâce à la vente de billets de transports ou de snacks.
Cercle vicieux
Un kiosque à journaux à Milan, le 25 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'évolution accompagne la chute des ventes des journaux : aujourd'hui il ne s'écoule que 2,2 millions de quotidiens par jour en Italie, contre 5,5 millions en 2007, d'après l'organisme ADS.
Mais si la montée du numérique et une certaine désaffection des jeunes pour la presse expliquent cette chute, c'est "aussi parce qu'il manque des points de vente", estime Giuseppe Ferrauto, directeur général du groupe Cairo Editore. Un cercle vicieux donc.
"C'est pour cela qu'une initiative comme celle du kiosque mobile est quelque chose que nous, éditeurs, devons encourager", dit-il.
Pour le moment, Andrea Carbini, venu du monde de la librairie, n'a développé qu'une seule "ligne", avec quatre arrêts dans divers quartiers près de kiosques ayant fermé. Mais il rêve que d'autres voient le jour.
"Ami du quartier"
"Ce que je fais est une provocation et j'espère que des jeunes prendront la suite. J'ai jeté une pierre là où personne ne bougeait", affirme-t-il.
"Les gens ont tendance à dire que la bataille est déjà perdue. Mais moi j'estime que le papier, même si c'est un marché qui se rétracte, a encore de l'avenir", ajoute-t-il, soulignant l'importance de "sauvegarder la liberté de la presse et la production culturelle".
Selon lui, en travaillant tous les jours et en choisissant bien ses quartiers, il est possible de gagner 1.800 à 2.000 euros par mois. L'avantage par rapport à un kiosque normal est d'éviter des frais fixes élevés et d'avoir une concentration de passages sur quelques heures de présence.
Sa clientèle a majoritairement plus de 50 ans mais compte aussi des trentenaires ou quadragénaires, et des enfants, qui viennent acheter des figurines Panini, sponsor du projet.
Le triporteur, qui permet de se déplacer facilement, attire les regards. "L'Ape a une valeur symbolique extrêmement importante en Italie, elle représente le boom économique des années 1950-1960", note Andrea Carbini.
"Le kiosquier, c'est un ami du quartier. Ils ne peuvent pas disparaître comme ça, tout comme les petits commerces. C'est un appauvrissement général, pour la culture, la sociabilité, le vivre ensemble", plaide Marianna Saraceno, une enseignante de 66 ans à la retraite.
AFP/VNA/CVN