>>Afghanistan : le président Ghani à Mazar-i-Sharif pour remobiliser les opposants aux talibans
>>L'armée américaine continuera de soutenir les forces afghanes, selon le Pentagone
Des forces de sécurité afghanes patrouillent en périphérie de Herat, le 6 août. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Tout en assurant qu'il ne regrettait pas sa décision de retirer ses troupes du pays en guerre, le président américain Joe Biden a adressé mardi 10 août un avertissement clair aux autorités de Kaboul.
Les Afghans "doivent avoir la volonté de se battre", "pour eux-mêmes, pour leur nation", a lancé Joe Biden.
Il a affirmé que les États-Unis avaient "dépensé plus de 1.000 milliards d'USD en 20 ans, entraîné et équipé (...) plus de 300.000 militaires afghans" qui sont "plus nombreux que les talibans" - des effectifs surestimés aux yeux de nombreux observateurs.
Le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a renchéri en jugeant que l'armée afghane avait "le potentiel" pour "infliger des pertes plus importantes", contestant "cette idée que l'avancée des talibans ne peut pas être arrêtée".
Et au Pentagone, on insiste aussi pour que Kaboul utilise enfin sa "supériorité" : "ils ont des forces aériennes, les talibans non ; ils ont des armes modernes et des compétences en termes d'organisation, les talibans non".
Moral des troupes
La petite musique montait depuis quelques jours, à mesure que les forces gouvernementales enchaînaient les défaites et que les insurgés s'emparaient de nombreuses capitales provinciales.
Une "tendance" qui "préoccupe profondément" les autorités de Washington, même si elles refusent de reconnaître en public avoir été prises de court par ce début de débandade.
Les forces afghanes "doivent avoir la volonté de se battre", a dit le 10 août le président américain Joe Biden. |
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En privé, les diplomates américains admettent en revanche être surpris par la rapidité de l'avancée des talibans, avant même la fin du retrait des forces internationales, prévue d'ici le 31 août. Et sont encore moins tendres avec les choix stratégiques du président Ashraf Ghani et des autres dirigeants afghans ainsi qu'avec leurs divisions politiques, qui pèsent selon eux sur le moral des troupes.
"Ils ont raison, le gouvernement afghan peut faire davantage", dit Carter Malkasian, ex-responsable du ministère américain de la Défense, aujourd'hui spécialiste de l'Afghanistan au cabinet de conseil CNA.
Selon lui, la classe dirigeante afghane doit surmonter ses divisions proverbiales et surtout montrer l'exemple en envoyant "au front les meilleurs chefs militaires".
"Quand Washington dit qu'il faut de l'unité politique, je pense qu'ils estiment que Ghani et tous les anciens chefs de guerre doivent mettre leurs divisions de côté et coopérer", explique Andrew Watkins, de l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
"Trop optimiste"
Ces deux experts veulent voir dans la visite du président Ghani mercredi 11 août à Mazar-i-Sharif, la grande ville du Nord de l'Afghanistan assiégée par les rebelles, et sa rencontre sur place avec le puissant chef de guerre Abdul Rachid Dostom un premier signe de sa volonté de reprendre la main.
Pour l'administration Biden, il s'agit de justifier une décision irrévocable : si le soutien à l'armée afghane va se poursuivre, pas question de remettre en question le départ des soldats américains d'Afghanistan pour venir à son secours.
Le 46e président des États-Unis plaide que rester un peu plus longtemps, comme le demandent certains opposants et responsables militaires, est la meilleure "recette pour y rester éternellement".
Mais l'argument de la présumée incompétence ou pusillanimité des forces de Kaboul peut aussi se retourner contre les Américains, qui ont passé 20 ans à financer, entraîner et équiper une armée qui s'avère jusqu'ici incapable de résister seule.
Cet "échec à créer des forces afghanes efficaces" est l'un des principaux arguments avancés par le chercheur Anthony Cordesman dans un rapport du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies publié cette semaine sur les raisons de la "défaite" en Afghanistan.
"Les États-Unis ont eu un discours bien trop optimiste au sujet des progrès du gouvernement afghan en matière de gouvernance, de progrès militaires et de création de forces de sécurité afghanes efficaces", écrit-il.
"Le changement aurait dû intervenir il y a un mois, un an, plusieurs années", soupire aussi Andrew Watkins, redoutant qu'il soit désormais "trop tard".
AFP/VNA/CVN