Les débuts glorieux de l’aventure aéropostale

«Par Avion» : cette brève estampille, apposée sur des milliards de lettres, le fut pour la première fois il y a cent ans, le 15 octobre 1913, lors du tout premier vol postal aérien français entre Villacoublay (région parisienne) et Pauillac (Sud-Ouest).

Le maire de Villacoublay, Joël Loison (droite), et son homologue de Pauillac, Sébastien Hournau (gauche), avec un sac de courriers, le 21 septembre, devant l’ULM biplan FK12 au club d’aviation de Pauillac avant leur départ pour Villacoublay, afin de reconstituer le premier vol aéropostal il y a 100 ans.

Il est 07h30 sur le «champ d’aviation» de Villacoublay en cette matinée brumeuse d’automne 1913, lorsque le monoplan Morane-Saulnier G du lieutenant de cavalerie Emmanuel Ronin décolle devant une nuée de journalistes et le cinématographe des Actualités Pathé, vers le Sud-Ouest, en direction de Pauillac, à 500 km de là.

À l’époque, c’est de cet avant-port de Bordeaux, situé sur l’estuaire la Gironde, que partent tous les mois les paquebots en direction des Antilles et de l’Amérique centrale. Les sacs de courrier arrivent alors en train de Paris jusqu’aux appontements pour être directement embarqués sur les navires.

«Le train mettait toute la nuit pour arriver et le courrier qui parvenait à la poste de l’Hôtel du Louvre (à Paris) après la levée de 18h00 devait attendre le bateau suivant. Cette fois-là, le courrier posté après 18h00 a été récupéré puis transporté par une automobile des Postes jusqu’au terrain d’aviation de Villacoublay», raconte Michel Aka, ex-pilote de l’armée de l’air natif de Pauillac, féru d’histoire locale et auteur de «Villacoublay-Pauillac, naissance de la poste aérienne en France» (Éditions Entre-deux-mers).

À l’origine de cette «première nationale», Alfred Massé, ministre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et télégraphes, qui, impressionné par la traversée de la Manche par Louis Blériot en 1909, pousse à exploiter ce nouveau mode de locomotion pouvant «faire gagner aux correspondances (...) un délai de quinze jours».

«Jusqu’aux années 1911-1912, les aviateurs étaient contenus dans les rubriques sportives des journaux», rappelle Michel Aka. «Les militaires ont été les premiers à s’intéresser autrement à l’avion, en y voyant un moyen utile d’observer l’arrière des lignes ennemies. La deuxième administration a été la Poste, avec une préoccupation : savoir si l’appareil pouvait transporter du courrier en respectant les horaires».

Champagne et déjeuner

De fait, le lieutenant Ronin, choisi parce qu’il connaît bien le Morane-Saulnier, est d’abord contraint pour ce vol de monter à 2.000 mètres d’altitude au-dessus des nuages en raison du mauvais temps, avant de trouver son altitude de croisière à 800 mètres. Une escale technique imprévue s’impose à Vendôme (Centre-Ouest) à cause d’une panne d’huile, lui faisant perdre une heure sur son plan de vol.

Des habitants en costumes d’époque et les maires de Pauillac et de Villacoublay devant l’ULM FK12 au club d’aviation de Pauillac.

Mais à 14h12, le monoplan se pose finalement dans un champ balisé d’un drap blanc, à quelques kilomètres de Pauillac. Une voiture des Postes l’attend, qui le conduit jusqu’au paquebot «Le Pérou» avec les 10,5 kilos de courrier qu’il avait entreposés pendant le voyage dans un casier à l’arrière de son siège.

Accueilli par les autorités locales et sous les acclamations de l’équipage et des passagers, le pilote se voit offrir le champagne et le déjeuner. Mais pourquoi Pauillac, et non le Havre d’où partaient les transatlantiques en direction d’Amérique du Nord ? «C’est le calendrier qui a décidé que cela serait le Médoc», explique M. Aka. «À la date arrêtée pour le vol, le prochain départ de paquebot était à Pauillac».

Ce «brillant début de la poste aérienne», tel que salué par les titres de la presse de l’époque, n’aura pourtant pas de suite immédiate. «On entrait dans la mauvaise saison et début décembre le cabinet (gouvernement) est renversé», raconte l’historien. La Première guerre mondiale éclate et il faut attendre 1918 pour qu’une liaison régulière soit lancée, mais cette fois entre Le Bourget, un aéroport dans la banlieue de Paris, et Saint-Nazaire, sur la côte atlantique.

Largement méconnu, ce premier vol «officiel à but commercial», qui faisait suite à une première tentative pour relier les 27 km séparant Nancy de Lunéville en 1912, n’aura pas la postérité de l’épopée de l’Aéropostale de Latécoère, lancée dès 1918 et qui deviendra mythique avec la traversée de l’Atlantique par Mermoz en 1930.

Pourtant, son héritage a fait florès : la fameuse griffe «Par Avion» dont ce fut la première utilisation mondiale sera «imitée ensuite par toutes les administrations postales du monde», rappelle Michel Aka, qui détient dans sa collection une des lettres historiques transportées par le lieutenant Ronin.

AFP/VNA/CVN

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