>>La France et le monde fêtent la musique, "la meilleure réponse au terrorisme"
Denis Podalydès et Sébastien Baulain, de la Comédie française, répètent +Les Damnées+, au Palais des Papes d'Avignon, le 4 juillet. |
C'est une pièce atypique pour la Comédie-Française, rompue aux grands textes, qu'a conçue le flamand Ivo van Hove : beaucoup de vidéo, de musique "live" parfois assourdissante, et des gros plans qui mettent à nu les acteurs.
Ivo van Hove, qui a déjà signé à 57 ans une centaine de spectacles dont plusieurs adaptations de films, comme Rocco et ses frères et Ludwig de Visconti, est considéré comme un des géants européens de la scène théâtrale.
Les Damnés, sorti sur les écrans en 1969, raconte la descente aux enfers en 1933 d'une grande famille allemande, propriétaire d’aciéries convoitées par le Reich. De compromis en assassinats, la famille bascule dans la haine et le nazisme.
"Le spectacle raconte très clairement comment une société qui était considérée comme arrivée à un point de haute culture, de grand progrès, qui avait été une grande démocratie, comment un pays civilisé consent à la barbarie", raconte Denis Podalydès, qui joue le rôle de Konstantin, fils cadet de la famille et membre des SA.
La pièce s'ouvre sur des images d'archives de l'incendie du Reichstag. Mais bien que située très clairement dans son époque, elle a "des résonances aujourd'hui", souligne Ivo Van Hove.
"On voit partout, en Europe mais aussi dans le monde, en Amérique, une montée des populismes et de l'extrême droite. Il y a quelque chose qui donne à réfléchir, quand un chef d'État, un politicien nous dit de suivre nos sentiments profonds, nos pulsions".
Le public ne sort pas indemne de cette plongée dans la noirceur de l'homme. Il est directement interpellé: après chaque meurtre, les lumières se rallument, la caméra se tourne vers les gradins et le public se voit subitement à l'image sur l'écran en fond de scène. "Et nous, qu'aurions-nous fait?" est alors la question qui se pose à chacun.
Les Damnés comportent beaucoup de scènes violentes, y compris sexuelles. La Comédie-Française a d'ailleurs prévenu ses abonnés que "certaines scènes de ce spectacle sont susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes".
Le personnage de Martin, le jeune héritier des aciéries joué par Helmut Berger dans le film, est terrifiant, même si ses agressions pédophiles sont suggérées bien davantage que montrées.
Le jeune homme à l'identité sexuelle ambigüe est formidablement incarné par un des jeunes comédiens du Français, Christophe Montenez, dans une distribution de haut vol (Guillaume Gallienne, Eric Génovèse, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, etc.)