Installation de l'artiste Christo sur le lac d'Iseo, dans le Nord de l'Italie, le 18 juin. |
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"Les gens viennent de partout pour marcher vers nulle part. Pas pour faire du shopping, pas pour rencontrer des amis. Ils ne font que marcher, vers nulle part", s'est émerveillé cette semaine l'artiste américain d'origine bulgare déjà célèbre pour avoir emballé le Pont-Neuf à Paris ou le Reichstag à Berlin.
Venus en voisins et du monde entier, souvent pieds nus pour mieux ressentir le mouvement, mais aussi en fauteuil roulant ou tenant leur chien en laisse, les visiteurs ont en effet afflué en masse pour cette expérience étrange promise par Christo : marcher sur l'eau.
Recouverts d'un tissu jaune orangé contrastant avec le vert sombre du lac, les trois kilomètres de ces "Floating Piers" (pontons flottants) reliaient l'île de Monte Isola à celle, toute petite, de San Paolo.
Après une journée encore chargée dimanche 3 juillet, les portes ont fermé à 22h00 (20h00 GMT) et les derniers visiteurs devaient avoir quitté les passerelles à minuit (22h00 GMT).
Le démontage débutera dès lundi matin 4 juillet, en commençant par les 200.000 cubes de polyéthylène qui doivent être rapidement recyclés. Le tissu synthétique jaune dahlia, dont les échantillons se revendent désormais sur eBay, sera lui aussi fondu pour être réutilisé.
Dans trois mois, il ne restera plus aucune trace sur place du passage de Christo, ont assuré les organisateurs. Le projet a cependant été enregistré pour figurer sur le site Internet de Google street view.
L'œuvre aura en effet marqué les esprits : alors que les organisateurs tablaient sur 25.000 à 40.000 visiteurs par jour, ils ont annoncé dimanche soir 3 juillet avoir enregistré une moyenne quotidienne de 72.000 visiteurs, pour un total dépassant 1,2 million en 16 jours. Fait plutôt rare, la police a annoncé une participation supérieure : près de 100.000 visiteurs par jour en moyenne.
Afin de limiter les files d'attente sur la rive, il a souvent fallu bloquer la foule en amont, en en réduisant l'accès en transports en commun.
Et alors que Christo promettait une expérience sensorielle unique de jour comme de nuit, la préfecture a ordonné au bout de quelques jours une fermeture de minuit à six heures, afin en particulier de permettre le nettoyage de Monte Isola.
Trop cher ?
Face à cet engouement, le Mouvement 5 étoiles (M5S), un parti populiste, a dénoncé un gaspillage d'argent public et une organisation de consommateurs a déposé une plainte auprès de la région pour savoir combien l'afflux avait coûté aux contribuables en nettoyage ou en sécurité.
Des visiteurs marchent sur les pontons flottants sur le lac d'Iseo. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Mais les organisateurs ont assuré dans un communiqué dimanche soir 3 juillet que Christo, qui a comme à son habitude financé lui-même ce projet par la vente de dessins et de maquettes préparatoires, avait également pris ces frais en charge.
Au total, un budget de 18 millions d'euros pour l'installation de la structure, sa maintenance, son fonctionnement et son démontage, le ramassage des poubelles, l'installation de toilettes portables, mais aussi 1,5 million d'euros pour les autorités locales afin de payer les policiers, les ambulances, les pompiers...
Les retombées économiques semblent cependant limitées. Le maire de Monte Isola, Fiorello Turla, a en revanche assuré que les hôtels, restaurants, bars et commerces de l'île avaient enregistré "une fréquentation sensationnelle".
Mais au-delà, "les touristes ne s'intéressent qu'aux passerelles : après une odyssée interminable et la promenade sur les pontons, ils ne pensent qu'à rentrer chez eux, ils ne s'arrêtent pas pour profiter de la région", a regretté le M5S dans un communiqué.
Âgé de 81 ans, Christo avait imaginé ce projet avec son épouse Jeanne-Claude, morte en 2009, pour le delta du rio de la Plata en Argentine, puis pour le Japon, avant de réussir à le mettre en oeuvre en Italie.
Il poursuit désormais deux autres rêves fous, englués depuis des années dans la quête d'autorisations : suspendre 10 km de toile argentée au-dessus d'une rivière dans l'ouest des États-Unis, un projet en cours depuis 1992, et réaliser une installation de 410.000 barils de pétrole inspirée des monuments funéraires égyptiens, un projet lancé en 1977 à Abou Dhabi.
AFP/VNA/CVN