Les cowboys italiens connaissent un nouveau souffle

Ils ne sont plus que quelques dizaines à parcourir à cheval les plaines et les collines du centre de l’Italie: ce sont les «butteri», ces cow-boys italiens dont la tradition remonte à plus de cinq siècles.

«Nous ne sommes plus très nombreux», raconte Maurizio Magagnini, 46 ans, en sirotant un verre de vin avant de se couper un morceau de fromage sous un arbre à côté de son cheval dans la réserve naturelle de Monterano, à 50 km au Nord de Rome. «Mais c’est une passion pour moi. Je me sens bien quand je suis à cheval. Mon père était un buttero, mon grand-père était aussi un buttero...», ajoute-t-il en plissant ses yeux bleus.
Il possède un troupeau d’une centaine de vaches de la race Maremmana (de la Maremme, ndlr) ainsi qu’une boucherie. Il passe ses journées à cheval à déplacer son troupeau dans les pâtures verdoyantes de cette région vallonnée.

Le développement de l’équitation et le succès des produits gastronomiques locaux ont contribué à donner un nouvel élan aux butteri et à leur activité.
                                                                                                   


«Je veux que mon fils étudie à l’école, mais si ça ne marche pas, il pourrait toujours prendre ma succession», explique cet homme au visage buriné, dont le neveu de 17 ans, Simone, est déjà un cavalier émérite entraîné depuis l’enfance, qui participera en septembre à un Championnat du monde au Portugal.
«Je vais encore à l’école. C’est comme un hobby pour moi maintenant, mais c’est ce que je veux faire quand j’aurai fini l’école. On ne peut pas se déplacer en voiture ici», raconte le jeune homme, qui porte la traditionnelle chemise blanche, le gilet et le chapeau noir typique des butteri.
Sa mère, Francesca, prépare l’«acqua cotta», la soupe traditionnelle de légumes servie sur un morceau de pain. «C’est une vie formidable, en plein air. On organise toujours un pique-nique lorsqu’on marque le bétail. On s’aide beaucoup entre nous», observe-t-elle.
La tradition des butteri remonte à l’époque où les papes étaient encore les maîtres de ce territoire : les butteri étaient alors chargés de gérer de grands troupeaux en Maremme, zone de marécages à cheval entre le Nord du Latium (région de Rome) et le Sud de la Toscane, à l’époque encore infestée par la malaria et les brigands.

Les «butteri» passent à cheval dans le parc de Monterano, dans la région de Lazio


Les cow-boys de Buffalo Bill
Très vite, leur habileté à cheval les a rendus célèbres et ils sont mentionnés dans l’œuvre d’artistes comme Goethe ou Byron. Aujourd’hui encore, les butteri évoquent avec fierté une compétition en 1891 à Rome durant laquelle une équipe de butteri mit en échec les cow-boys du cirque de Buffalo Bill, alors en tournée en Europe.
«Même au bout de 500 ans, cette culture est encore bien vivante dans la région», note l’historien local et grand amateur de chevaux Rodolfo Lorenzini, expliquant que le nom de buttero vient des mots latins signifiant «vache» et «gardien de troupeau».
Cette profession était en voie de disparition jusqu’à il y a quelques années, lorsque des fonds européens, le développement de l’équitation et le succès des produits gastronomiques locaux ont contribué à donner un nouvel élan aux butteri et à leur activité. La crise économique actuelle et le taux de chômage élevé des jeunes en Italie ont en outre encouragé nombre de jeunes à envisager de se lancer dans cette profession atypique au contact de la nature, même si elle nécessite beaucoup de travail pour un maigre salaire.
Il existe aujourd’hui des concours de butteri et des fêtes thématiques attirant des centaines de butteri amateurs, même si très peu d’entre eux réussissent à en vivre. Paolo Chima, 50 ans, ambulancier dans la petite ville de Tolfa et buttero amateur, le constate lui-même : «Beaucoup de gens se sont lancés là-dedans et beaucoup de centres équestres ont fleuri ces dernières années».
«J’essaye de monter à cheval sept jours sur sept. Je n’y gagne rien, j’y perds même de l’argent !» s’exclame-t-il en riant. Mais ce n’est pas une vie pour tout le monde : «C’est dur d’être un buttero, surtout en hiver : il pleut, il neige, mais il faut quand même sortir et s’occuper du troupeau qu’il faut nourrir», souligne Maurizio Magagnini. «Pour être un bon buttero, il faut penser comme les animaux et être capable de mener un troupeau», résume-t-il.

AFP/VNA/CVN

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