Les Chypriotes-turcs élisent leur dirigeant, Ankara suit de près

L'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), reconnue par la seule Turquie, vote dimanche 11 octobre pour élire son dirigeant, un scrutin qui oppose principalement le "président" sortant et critique du chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan au candidat d'Ankara.

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Mustafa Akinci, "président" de la République turque de Chypre-Nord (RTCN), le 3 février 2020 à Nicosie (Chypre). Photo : AFP/VNA/CVN

L'élection "présidentielle" a lieu sur fond de tensions en Méditerranée orientale autour de l'exploitation d'hydrocarbures entre Ankara et Athènes, principal allié de la République de Chypre qui exerce son autorité sur les deux tiers sud de l'île et est membre de l'Union européenne. 

La RTCN (environ 300.000 habitants) est établie sur le tiers nord de l'île méditerranéenne, occupé depuis 1974 par la Turquie en réaction à un coup d'État pour rattacher Chypre à la Grèce.

Considérant Chypre comme une pièce majeure dans sa stratégie visant à étendre ses frontières maritimes, Ankara suit de près l'élection en RTCN, où quelque 198.867 personnes sont inscrites sur les listes électorales. 

Les bureaux de vote, ouverts à 08h00 (05h00 GMT), doivent fermer à 18h00 (15h00 GMT). Dans une école de Nicosie-Nord, tous les électeurs portaient des masques et certains avaient amené leurs propres gants de protection, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les règles de distanciation liées à la pandémie de COVID-19 étaient respectées grâce à des marquages au sol et à des policiers présents devant chaque bureau.

Onze candidats sont en lice, dont le "président" sortant, favori dans les sondages, Mustafa Akinci, un social-démocrate de 72 ans partisan de la réunification de l'île et d'un desserrement des liens avec Ankara, ce qui lui vaut l'hostilité de M. Erdogan.

La Turquie soutient le nationaliste Ersin Tatar, 60 ans, actuellement "Premier ministre" du gouvernement auquel revient une grande partie des pouvoirs exécutifs en RTCN.

 "L'avenir" 

Les négociations pour une réunification de l'île achoppent notamment sur la question du retrait des quelque 30.000 soldats turcs présents dans le tiers nord occupé.

"Cette élection est importante car nous choisissons le président qui négociera avec les Chypriotes-grecs sur l'avenir de Chypre", explique Esat Tulek, fonctionnaire à la retraite de 73 ans, à la sortie du bureau de vote dans la partie nord de Nicosie, dernière capitale divisée au monde. 

Une femme vote, le 11 octobre 2020, dans la partie nord de Nicosie, pour élire le dirigeant de l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN). 

Les résultats devraient être annoncés dans la soirée. Si aucun des candidats n'obtient 50% des voix, les deux premiers s'affronteront lors d'un second tour le 18 octobre.

Le scrutin a lieu après la réouverture controversée jeudi 9 octobre de Varosha (est), ville-fantôme bouclée par l'armée turque et emblématique de la division de l'île. 

L'annonce de cette réouverture partielle de la ville-fantôme, abandonnée par ses habitants chypriotes-grecs après l'invasion turque, avait été faite par M. Tatar, au côté de M. Erdogan mardi à Ankara. 

Une décision condamnée par M. Akinci, qui y a vu une ingérence turque dans l'élection, ainsi que par la République de Chypre, l'Union européenne et l'ONU qui surveille la zone tampon entre les deux parties de l'île. Une résolution de l'ONU exige le transfert de Varosha sous administration onusienne. 

"Très mauvaise" 

L'annonce de la réouverture de Varosha a provoqué le retrait du parti du "ministre-candidat" Kudret Ozersay de la coalition au pouvoir et son effondrement de facto même si le gouvernement continue de gérer les affaires courantes. 

Pour Yektan Turkyilmaz, chercheur au Forum Transregionale Studien en Allemagne, de nombreux Chypriotes-turcs se sont sentis "blessés dans leur honneur et identité" par ce qu'ils considèrent comme une ingérence d'Ankara, même si cette réouverture reste avant tout symbolique. 

Cette décision "est vraiment injuste pour les propriétaires (d'habitations à Varosha), ils ont été ignorés, cela devait faire partie d'un futur accord", a affirmé Aysin Demirag, professeure de yoga de 59 ans, après avoir voté. La réouverture "sous la pression de la Turquie, organisée comme un spectacle à (trois) jours des élections était vraiment une mauvaise décision". 

L'élection en RTCN, qui dépend économiquement de la Turquie, a aussi lieu dans un contexte de crise économique, amplifiée par la pandémie de COVID-19 qui avait entraîné la fermeture totale pendant des mois de l'aéroport d'Ercan et des points de passage vers le sud de l'île. 

En RTCN, plus de 800 cas ont été recensés officiellement jusque-là depuis le début de la pandémie avec quatre décès.

AFP/VNA/CVN 

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