Sur l’esplanade Ly Thai Tô, bondée, l’ambiance est dynamique. De grands groupes enchaînent des pas rapides sur des mélodies aux accents techno et latino. |
Qu’ils sont courageux les habitants de Hanoi! Le chant du coq n’a pas encore retenti que déjà, ils se pressent aux abords des plans d’eau de la capitale, en particulier sur les rives du lac Hoàn Kiêm. Pour admirer le lever du soleil ? Pas du tout. Pour transpirer. Et il ne s’agit pas là de quelques téméraires. Non, des hordes de sportifs se pressent sur le lac du centre de la capitale, lui donnant des apparences de fitness à ciel ouvert.
Majoritaires, il y a d’abord les adeptes de tai chi. Une gymnastique de santé, une voie spirituelle qu’ils pratiquent en solitaire, en petit comité ou carrément en grand groupe. Les premiers s’égrainent tout au long du lac. Assis, ils se tapotent les cuisses, les avant-bras. Debout, ils effectuent des mouvements de balancier énergiques avec leurs jambes, tournent sur eux-mêmes tels de véritables toupies.
Positions acrobatiques
Certains utilisent des objets pour accompagner leurs mouvements. Comme ces deux femmes, d’un certain âge déjà, qui ont en main des élastiques métalliques décorés de tissus jaune et rouge. Très élégant.
La plupart des groupes exécutent leurs mouvements au rythme d’une musique émise par des haut-parleurs, souvent de médiocre qualité. Ça grésille. «Môt, hai, ba, môt, hai, ba…», répète inlassablement une femme. Ses consœurs, disciplinées, l’imitent. Leurs mouvements sont lents, amples, précis. Elles se tournent face au lac, lèvent les bras au ciel, bougent la tête, les poignets, les chevilles, toujours dans le calme. Le spectacle emplit les alentours d’un sentiment de sérénité, une césure dans le tumulte de la capitale.
Le calme matinal du lac offre un environnement idéal aux amateurs de tai chi. |
Sur l’esplanade bondée qui s’étend devant la statue de Ly Thai Tô, l’ambiance est beaucoup plus dynamique et la moyenne d’âge moins élevée. D’imposantes colonnes hurlent une musique aux accents techno. Un groupe composé d’une trentaine de personnes enchaînent des pas rapides. La séance prend des allures de cours d’aérobic. Rien qu’à les observer, on se sent revigoré. Comme si on prenait une claque d’énergie en pleine figure. Plus loin, une dizaine de sportifs se déhanchent sur des airs latino. Et hop, un petit pas de salsa. La célèbre Macarena est même mise à l’honneur, tout comme la Schlager allemande! La variété des sons ne s’arrête pas là. Valse, cha-cha-cha, tango et rock sont diffusés pour le plus grand bonheur des amateurs de danse à deux. Un spectacle hétéroclite, qui prend des airs de joyeux capharnaüm.
Puis, il y a ceux qui veulent développer leurs pectoraux. Sur la rive ouest du lac, se succède le matériel nécessaire à la pratique de leurs exercices favoris : pompes, altères, barres parallèles, abdominaux. D’autres préfèrent le mobilier urbain, ou les arbres, pour accomplir leurs mouvements. Les bancs en particulier, qu’ils utilisent avec beaucoup d’ingéniosité, se retrouvant parfois dans des positions acrobatiques. Les pieds en l’air, la tête en bas.
Tradition vivante
Finalement, il y a les amateurs de course à pied, qui tournent en rond. Tous à un rythme différent. Le souffle court, l’un d’entre eux amorce une accélération. Sa silhouette disparaît rapidement. Déjà, d’autres coureurs à la cadence plus lente lui succèdent, suivis par un groupe de femmes emmitouflées jusqu’aux oreilles, qui pratiquent elles la marche rapide. Cette ronde infernale se déroule sous l’œil curieux de plusieurs groupes de touristes, qui attendent leur bus pour partir en excursion, un appareil photo à la main. Pas sûr d’ailleurs qu’ils en feraient de même!
Vers 07h30, les sportifs se dispersent progressivement. Une deuxième journée commence pour eux. Mais le repos sera de courte durée. Dès 20h00, le fitness ouvre à nouveau ses portes et les athlètes reprennent rapidement leur droit. Même si à cette heure-ci de la journée, ils doivent se faufiler entre de jeunes mariés parés de leurs plus beaux atours, qui posent pour être immortalisés par les photographes. Qu’importe, le spectacle se poursuit inlassablement, au fil des jours et des saisons. Comme une tradition vivante perpétuée par les habitants de la capitale vietnamienne.
Texte et photos : Angélique Rime/CVN