La participation de Thanh Phuc aux Jeux olympiques de Londres 2012 restera gravée à jamais dans la mémoire de son entraîneur Anh Hiêp. |
Suite à une grave blessure en l’an 2000, l’athlète de demi-fond Trân Anh Hiêp doit faire une croix à sa carrière de sportif de haut niveau et songer à sa reconversion. C’est sans hésiter qu’il choisit de devenir entraîneur. Durant ses trois premières années de pratique, il fait ses classes en qualité d’«éclaireur» dans le sprint (dans le jargon, un éclaireur est chargé de détecter les jeunes espoirs, ndlr). Vers 2004, Trân Anh Hiêp change de cap et se tourne vers la marche, où il devient entraîneur/formateur à part entière. Une décision jugée audacieuse - voire farfelue - à l’époque, la marche étant un sport délaissé par les instances sportives nationales en termes d’investissement, sachant que les marcheurs ne se comptaient alors que sur les doigts de la main.
«Lorsque je suis arrivé, il n’y avait que deux +experts+ en la matière : l’arbitre Pham Công Hai et moi-même, qui avions suivi un cours de formation approfondie sur cette discipline à l’étranger. Le fait d’avoir peu d’argent de la part de la Fédération était un vrai handicap pour mes élèves et moi», se souvient l’entraîneur.
Il aura fallu huit ans à Trân Anh Hiêp et ses deux protégés - Nguyên Thi Thanh Phuc et son petit frère Nguyên Thành Ngung - pour en arriver aux résultats que l’on connaît aujourd’hui sur 20 km marche. Un travail de longue haleine.
Nguyên Thi Thanh Phuc est devenue championne d’Asie 2013 à Nomi (Japon) le 10 mars dernier, en bouclant la distance en 1h35’26’’, tandis que son frère Nguyên Thành Ngung a accroché le Top 5 chez les hommes, en 1h27’30’’ (record national), le tout dans des conditions météo rigoureuses (près de 0°C au thermomètre). Un résultat qui a bien sûr comblé leur entraîneur : «Si tous deux maintiennent ce rythme de progression, sûr qu’ils feront parler d’eux aux prochains SEA Games au Myanmar !» Et Thành Ngung d’ajouter : «J’espère que la performance de ma grande sœur suscitera des vocations pour assurer la relève».
Depuis 2007, Thanh Phuc apparaît toujours en haut des classements des tournois régionaux, suivie comme son ombre lors de ses déplacements à l’étranger par son entraîneur : «Aux derniers Championnats d’Asie, au Japon, j’étais très inquiet pour elle au vu de la température, glaciale. Mais j’ai été subjugué de voir sa résistance et de la voir s’imposer au nez et à la barbe des favorites !», raconte-t-il avec encore des étoiles dans les yeux.
Déjà l’an dernier, la jeune Thanh Phuc était la représentante du Vietnam de la discipline aux Jeux olympiques de Londres. Même si elle a fini la course à une modeste 36e place (sur 55 participantes) avec 1h33’36’’, cela a été un immense honneur pour elle, son entraîneur et l’ensemble de l’athlétisme vietnamien de concourir dans la plus belle et prestigieuse compétition de la planète.
Entraîneur et mentor
Seul le travail paie ! Thanh Phuc, une des élèves «chouchous» de l’entraîneur Anh Hiêp. |
Les premiers succès de ses «chouchous» ont permis à Anh Hiêp d’avoir les crédits qu’il réclamait pour financer une tournée annuelle afin de les entraîner dans de bonnes conditions. Thanh Phuc et son frère Thành Ngung font d’ailleurs partie des sportifs sur lesquels les instances nationales ont misé, et bénéficient d’aides financières conséquentes en vue des SEA Games (Jeux sportifs d’Asie du Sud-Est) en décembre prochain au Myanmar, mais aussi des autres grandes échéances régionales et internationales.
Thanh Phuc semble en mesure - au vu de ses performances cette année - de conserver son titre (officieux) de «Reine de la marche d’Asie du Sud-Est». Quant à son frère Thành Ngung, l’espoir repose sur sa jeunesse et ses efforts. Avec son record national de 1h27’30’’, il détient la meilleure performance de l’année, devant l’Indonésien champion des SEA Games en titre (2011) qui défendra chèrement, à n’en pas douter, sa couronne au Myanmar.
Aujourd’hui, fort de ces résultats qui ont rendu fier tout un peuple, Anh Hiêp est reconnu par tous dans le milieu. Une juste récompense lorsque l’on voit qu’il n’est parti de rien, ou presque. Cette reconnaissance lui vaut aujourd’hui d’être convoqué pour prendre en charge la sélection nationale d’athlétisme, ce qui le rend - il ne s’en cache pas - passablement inquiet. Même s’il s’agit d’une grande fierté, il s’occupe à temps plein d’une dizaine de sportifs de sa ville natale, Dà Nang. Une double casquette qu’il n’est pas sûr de pouvoir porter, dit-il. C’est aussi cela, la notoriété.
Diêu An/CVN