>>La Bourse de Tokyo en petite hausse sur fond de la nouvelle chute du yen
>>Le yen au plus bas depuis sept ans face à l'euro
Des billets de 10.000 yens (environ 70 euros), à Tokyo le 8 juin. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le dollar est monté jusqu'à 135,19 yens peu après 04h00 GMT, un record depuis octobre 1998. Il redescendait un peu depuis, gravitant autour de 134,70 yens vers 06h10 GMT.
Le déclin de la monnaie japonaise est devenu brutal à partir de mars et elle évoluait à ses plus bas niveaux depuis 2002 face au billet vert depuis mi-avril.
En cause, l'écart grandissant entre la politique monétaire de la Banque du Japon (BoJ), toujours ultra-accommodante, et celle de la Fed, qui resserre son robinet à liquidités pour tenter de dompter l'inflation débridée aux États-Unis.
Les prix à la consommation aux États-Unis ont grimpé à 8,6% en mai sur un an, contre 8,3% en avril, du jamais vu depuis 1981, selon des données publiées vendredi qui ont déprimé les places financières mondiales, tout comme la Bourse de Tokyo lundi 13 juin, dont l'indice vedette Nikkei a chuté de 3% à la clôture.
La flambée des prix du pétrole sur fond de la crise en Ukraine nourrit aussi l'inflation américaine, tout en creusant le déficit commercial du Japon, un facteur aggravant pour le cours de sa monnaie nationale.
Traditionnellement, un yen faible est vu d'un bon oeil par le gouvernement nippon, la BoJ et les grandes firmes de l'archipel. Car cette tendance de change rend les exportations des entreprises japonaises plus compétitives et gonfle leurs bénéfices générés à l'étranger.
Mais ce discours devient de moins en moins accepté dans le pays, car le vif renchérissement des importations, amplifié par la chute du yen, fragilise le pouvoir d'achat des ménages nippons et fait souffrir les petites et moyennes entreprises centrées sur le marché national.
La BoJ sous pression
Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, a admis lundi 13 juin devant le Parlement japonais qu'une "dépréciation rapide du yen" était "négative" pour l'économie nationale, dans la mesure où cela accroît les incertitudes et rend difficile pour les entreprises d'établir des prévisions sur leurs activités.
Le ministre des Finances, Shunichi Suzuki, interrogé par le Parlement japonais, le 13 juin à Tokyo. |
"Il y a des côtés positifs et négatifs au yen bon marché", a déclaré lundi 13 juin le ministre des Finances, Shunichi Suzuki, plaidant comme M. Kuroda pour des hausses de salaires plus importantes pour contrebalancer le renchérissement des importations et créer un cercle économique vertueux.
Dans un communiqué commun rarissime, le ministère nippon des Finances, la Banque du Japon et le gendarme financier japonais (FSA) avaient déclaré en fin de semaine dernière qu'ils prendraient des "mesures appropriées si nécessaire" contre la chute du yen, sans préciser lesquelles.
Une intervention unilatérale de Tokyo sur le marché des changes paraît toutefois improbable, tout comme un revirement de la BoJ, qui juge que l'économie nippone n'est pas encore mûre pour resserrer les conditions du crédit.
L'inflation (hors produits frais) au Japon a atteint 2,1% en avril sur un an, un record national depuis 2015 mais loin des niveaux observés aux États-Unis ou en Europe. En outre, la BoJ ne s'attend pas pour l'instant à ce que ce niveau d'inflation se maintienne au-delà de l'exercice 2022/23 entamé le 1er avril.
La croissance post-pandémie se fait toujours attendre au Japon, dont le PIB a reculé de 0,1% au premier trimestre comparé au dernier trimestre 2021. Une reprise est attendue sur l'ensemble de 2022, mais les vents contraires s'accumulent.
Certains analystes pensent néanmoins que la BoJ sera forcée d'ajuster sa politique de rachats obligataires si le plongeon du yen continue de s'accentuer.
"La perspective de ce changement majeur n'est plus très lointaine alors que nous sentons que les responsables politiques (japonais, NDLR) commencent à paniquer", a estimé Amir Anvarzadeh d'Asymmetric Advisors dans une note publiée lundi 13 juin.
Une réunion régulière sur deux jours de la BoJ est prévue jeudi et vendredi (les 16 et 17 juin). Même si l'immense majorité d'un panel d'économistes sondés par l'agence Bloomberg début juin s'attendent à un statu quo monétaire, le ton de l'institution et ses justifications devraient être scrutés de près par les marchés.