>> Les rites du mariage de l’ethnie Co Tu
Pour les Co Tu, le village est une forteresse inviolable. |
Photo : VNA/CVN |
Les Co Tu, une des 53 minorités ethniques du Vietnam, vivent dans de petits villages nichés dans le piémont de la cordillère de Truong Son. Chaque village compte 30-40 familles, dont les maisons sont arrangées en cercle, distantes de 5-7 m les unes des autres. Le tout fait un kilomètre de diamètre. Au milieu du village se dresse une nhà guol, sorte de maison commune servant de lieu de réunion et d’activités socio-culturelles. Autour des habitations, sont construits des entrepôts à riz et des miradors pour garder le village et les cultures.
Une forteresse à protéger à tout prix
Le village Co Tu se compose aussi de terres agricoles et forestières à usage commun (pour la chasse du gibier, la cueillette de produits sylvicoles, l’élevage du bétail…), de rigoles d’irrigation des champs, avec parfois un tronçon de ruisseau traversant le village… Sans oublier un cimetière en lisière des champs.
Les frontières naturelles entre les villages sont marquées par une forêt, une rivière ou une rangée d’arbres séculaires au milieu des champs. Plusieurs lignées familiales cohabitent dans un village. Chacune d’elles a son histoire, ses légendes, sa culture et ses coutumes ancestrales. Tout le monde prend en haute estime la vie spirituelle, respectant toutes les croyances existantes.
Le village est le lieu où se tiennent toutes les activités communautaires importantes des Co Tu. |
Photo : VNA/CVN |
Dans la mentalité Co Tu, le mot “village” revêt une grande signification. Il s’agit du toit commun et sacré que tout le monde a la tâche de le défendre à tout prix. La tradition veut qu’on fasse du village une “forteresse” pour s’opposer aux attaques venant de l’extérieur, dont celles des animaux sauvages.
Pour les Co Tu, la coutume d’ériger une statue gardienne à l’entrée principale du village se perpétue, quelles que soient les générations. “La présence de cette statue illustre leur volonté de préserver leur village et d’assurer une vie en paix”, informe Bh’ling Hanh, 75 ans, domicilié dans le village de Công Dôn, province de Quang Nam.
Sculpter une statue gardienne. |
Photo : VNA/CVN |
Ainsi, on enclot le village entier, creuse des tranchées extérieures, installe des pièges dont des chausse-trapes… Chaque village ouvre seulement quelques entrées, dont la principale qui donne ordinairement sur la forêt. Et tous les villageois sont conscients de l’importance de faire bonne garde.
Une statue gardienne d’un village Co Tu. Photo : Gia Phuc/CVN |
À côté de l’entrée principale trône une statue en bois de grande taille. “Voici la fameuse statue gardienne. Grâce à elle, le village est protégé des mauvais esprits qui guettent l’occasion pour venir importuner la vie des villageois et détruire les cultures”, explique Bh’ling Hanh.
À son avis, la coutume de construction de l’enclos et de la statue gardienne existe depuis des temps immémoriaux. Selon la tradition, leur installation se réalise souvent en octobre et novembre. Elle se répète tous les deux ou trois ans selon le règlement de chaque village.
Le jour le plus favorable est choisi par le patriarche. Des hommes sont envoyés en forêt pour abattre bois, bambou et rotin. La statue est taillée dans un grand tronçon de bois. Il représente un personnage de taille humaine au visage féroce, avec des yeux furibonds et des dents apparentes. “C’est une vraie sculpture d’art que l’artisan façonne avec seulement une machette et une hache”, dévoile le septuagénaire.
L’installation de la statue gardienne du village est un rite ancestral des Co Tu. |
Photo : Gia Phuc/CVN |
Un symbole sacré de la communauté
La cérémonie d’installation de la porte principale et de la statue est célébrée en grande pompe, en présence de tous les villageois. Sur l’autel installé à l’entrée du village sont déposées des d’offrandes tels crabes de rizière, poissons, œufs de poule… D’un air solennel, le patriarche se tient debout, joint les mains devant sa poitrine et prie. Il invite les génies de la montagne, de la forêt, de la terre et des eaux à venir témoigner de cet événement important, implore leur appui pour la santé des villageois, la prospérité du village, une météo clémente favorable aux cultures.
Un patriarche Co Tu entouré de ses petits-enfants. |
Photo : CTV/CVN |
C’est aussi l’occasion pour les villageois de montrer leur volonté de resserrer l’union communautaire, de s’entraider, de défendre l’habitat commun. Une chose est obligatoire : une fois la porte et la statue gardienne installée, les Co Tu ont à observer strictement une “promesse d’honneur” : ne laisser entrer personne. “Néanmoins, de nos jours où le pays s’ouvre, les Co Tu font preuve de plus souplesse vis-à-vis de cette promesse ancestrale”, observe Bh’ling Hanh avec un sourire sur les lèvres. Et de souligner : “Malgré ces évolutions, la statue gardienne demeure un symbole sacré de notre ethnie”.
Gia Phuc - Linh Thao/CVN