>>Apprendre le vietnamien en Grande-Bretagne
Après le premier cours de vietnamien, on se dit carrément qu’on ne va pas y arriver. Va-t-on vraiment retourner en classe ? Cherchant le positif, on se dit que l’alphabet est plus ou moins le même que le nôtre. C’est décidé, on va s’accrocher. Les cours s’enchaînent, au rythme de deux par semaine. On commence à faire des phrases. «Hier soir, je suis allée chez le docteur.» «Demain, je partirai pour l’Espagne.» La plupart du temps, ces suites de mots n’ont rien de réel. Au diable le concret, on parle.
Après une dizaine de leçons de vietnamien, les élèves sont capables de se présenter : âge, prénom, nationalité, métier, lieu de travail. |
Après une dizaine de leçons, on est capable de se présenter : âge, prénom, nationalité, métier, lieu de travail. Même si celui qui a le «malheur» de travailler pour une organisation internationale ou d’être chargé de communication se présente souvent comme enseignant ou chauffeur de taxi durant le cours de vietnamien! Trop compliqué d’expliquer sa vraie profession.
Parce que oui, même si on y met tout son cœur, le vietnamien, ce n’est pas du gâteau. Inutile de chercher une quelconque similitude avec le français. Première difficulté, et de taille, les accents. Cinq au total. Avec sa sonorité aiguë, la petite vaguelette est facile à intégrer. Pour le reste, on y va à l’instinct. Avec plus ou moins de succès selon les jours. Pourtant, utiliser la bonne intonation peut faire toute la différence. Comme avec le mot kem (glace) et kém (mauvais) ou ngủ (dormir) et ngu (stupide).
Les pronoms, un casse-tête
Viennent ensuite des lettres qui n’existent pas dans l’alphabet latin, coiffées d’un circonflexe, d’une demi-lune ou garnie d’un petit crochet : ă, â, ê, ô, ơ, ư. Lorsque le professeur les prononce les unes après les autres, difficile pour les oreilles Tây de percevoir une différence. Et surtout de la reproduire (lire encadré).
L’exercice prend encore une autre dimension lorsqu’on passe à la lecture de textes. On se croirait en cours de logopédie. Đoàn Linh Chi, le professeur, exagère les mouvements de sa bouche. Elle essaie d’expliquer à quel endroit du palet elle place sa langue. Tels des poissons, les élèves essaient tant bien que mal de reproduire le son qu’elle émet. «Presque, c’est juste à 99 pourcent !» lance-t-elle sur un ton encourageant.
Coiffées d’un circonflexe, d’une petite lune ou agrémentées d’un crochet, les lettres a, â, ê, ô, o et u diffèrent de l’alphabet latin. |
Autre chapitre qui a pour don d’embrouiller les élèves étrangers, les pronoms. Tout est une question d’âge et de génération. L’interlocuteur est-il de la même génération que soi-même, que ses parents, plus jeune, plus vieux ? Tous ces paramètres déterminent le pronom adéquat. Et c’est sans compter avec le mari de la plus jeune sœur ou la femme du frère le plus âgé, de la grand-mère côté paternel ou maternel, qui ont tous des appellations différentes. Un véritable casse-tête.
S’accrocher aux réussites
Autant dire qu’après un cours, notre cerveau d’étranger a parfois de la peine à s’en remettre. Dans ces cas, pour se remonter le moral, rien de tel que de se raccrocher aux éléments qui sont plus faciles que dans notre langue maternelle ou dans d’autres langues étrangères que l’on maîtrise. En vietnamien, les verbes ne se conjuguent pas. Un simple mot permet d’indiquer le passé, le présent ou le futur. Pour le pluriel, il suffit de placer le mot các avant le nom ou le pronom. Entre autres.
Repenser aux petites victoires donne aussi un coup de fouet. Lorsqu’on a commandé son premier café au lait avec de la glace par exemple. Et, cerise sur le gâteau, en précisant qu’on le veut à l’emporter. Ou quand on a réussi à négocier au marché.
Mais attention, à cette étape là de l’apprentissage, un autre danger nous guette. Il suffit de pouvoir dire quelques phrases, et les Vietnamiens pensent que l’on maîtrise parfaitement leur idiome. Ils enchaînent alors les questions, en attendant une réponse, qu’on n’est malheureusement pas encore en mesure de leur fournir. Après trois mois de cours, les progrès sont visibles. Mais dans la rue, la phrase la plus utile s’avère encore em không hiêu (je ne comprends pas). Pour le moment.
Les sons qui posent problèmes aux Tây
Doàn Linh Chi enseigne le vietnamien au centre Let’s speak vietnamese, à Hanoi. Ses oreilles sont donc habituées aux mots écorchés par les étudiants étrangers. Compilation de son propre jus des erreurs les plus fréquentes.
Mơ, lơ, ngơ. Le Vietnamien compte trois voyelles qui sont très semblables. Le o, comme dans «mort», le ô comme dans «haut» et le ơ comme dans «beurre», qui se trouve uniquement dans les mots vietnamiens. La dernière pose souvent problème.
Mổ, cỏ, nhổ. L’accent qui s’apparente à un point d’interrogation descend et remonte légèrement vers la fin. Il est très facile à prononcer pour les Chinois, car il est aussi utilisé dans leur langue. Pas pour tous les autres.
Tôi, toán, tiếng, tủ. Le t vietnamien est un mélange entre le d et le t. Il est différent du t anglais.
Ngoan, ngủ, người. Le son ng est propre au vietnamien. Pour le prononcer correctement, il faut pousser l’air du fond de la gorge et le bloquer à mi-chemin avec la langue. Les étudiants ont généralement de la peine à prononcer les mots qui le contiennent.
Mừng, nhưng, bức. La voyelle ư n’existe pas en français. Beaucoup d’étrangers la prononcent comme le u.
Hân, hơn, lân, lơn. Les voyelles â et ơ sont très similaires. Elles sonnent les deux plus ou moins comme le /ə/, mais la première a un accent plus haut. Quand elles sont intégrées dans des mots, leur élocution varie. Ces deux voyelles sont les plus dures à prononcer pour les élèves.
Texte et photos : Angélique Rime/CVN