Le système de santé publique anglais "au bord de la rupture"

La Croix-Rouge décrit une "crise humanitaire", les médecins déplorent des conditions dignes du "tiers monde" : le système de santé public NHS, fierté britannique depuis 1948, traverse une crise inédite cet hiver qui commence à rattraper la Première ministre Theresa May.

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Une ambulance est garée devant les urgences de l'hôpital St Thomas à Londres, le 13 janvier.

La photo a fait le tour des réseaux sociaux et la Une du quotidien Daily Mirror. Elle montre le petit Jack, 22 mois, seulement vêtu d'une couche. Faute de lit, il dort sur une couverture posée sur deux chaises en plastique rouge. Malgré une suspicion de méningite, Jack a attendu cinq heures aux urgences avant de voir un médecin.

Comme tous les hivers, le National Health Service est "au bord de la rupture" selon les médecins et organisations hospitalières. Système de soins gratuit, le cinquième employeur mondial (1,5 million de salariés) est une institution sacrée. "Notre religion nationale", disait l'ex-ministre Nigel Lawson.

Le NHS représente un enjeu politique crucial qui décide des élections. Les partisans du Brexit en avaient fait l'un de leurs principaux thèmes de campagne, promettant, chiffres racoleurs et tronqués à l'appui, de renflouer les caisses du NHS avec l'argent qu'il n'y aurait plus à envoyer à Bruxelles. Mais le NHS est aussi un modèle en crise, confronté au vieillissement de la population, à la croissance démographique et aux politiques d'austérité.

Alors, il suffit de la moindre alerte, comme l'épidémie de grippe cette année, pour enrayer le système. Depuis l'automne, le temps d'attente aux urgences explose : 23% des patients ont attendu plus de quatre heures avant de voir un médecin la semaine dernière. Deux patients sont morts sur un brancard dans un couloir du Worcestershire Royal Hospital cette semaine. Partout, il manque des lits, des ambulances, des médecins.

'L'hiver éternel'

Le docteur Richard Kerr, membre du Collège royal des chirurgiens, dit n'avoir jamais vu une telle détérioration en 26 ans de carrière.

Le logo du NHS devant la tour Big Ben le 13 janvier 2017 à Londres.
Photo : AFP/VNA/CVN

La situation est si alarmante que la Croix-Rouge a été appelée à la rescousse. "Nous sommes face à une crise humanitaire", a souligné son directeur général Mike Adamson. La Première ministre conservatrice Theresa May a dénoncé ces propos qualifiés d'"irresponsables et exagérés".

Afin de désengorger les urgences des hôpitaux, elle a appelé samedi 14 janvier les cabinets de médecins généralistes à ouvrir 7 jours sur 7 et de 8h à 20h, sans quoi ils pourraient perdre des aides gouvernementales. Mais pour beaucoup, le mal est bien plus profond. "Ce n'est pas une crise hivernale, c'est un blizzard dans l'hiver éternel du NHS. On demande au personnel d’offrir un service de première qualité avec des effectifs et un nombre de lits dignes du tiers monde", accuse le docteur Mark Holland, spécialisé en médecine aiguë.

'Dans le déni'

Selon les chiffres de l'OCDE, le Royaume-Uni a consacré 7,7% de son PIB aux dépenses publiques de santé en 2015, contre 8,6% pour la France et 9,4% pour l'Allemagne.

Concédant qu'une "énorme pression pèse sur le NHS", Theresa May assure que "jamais" le gouvernement n'avait autant investi dans le système en injectant 10 milliards de livres supplémentaires sur six ans jusqu'à 2020.

"Faux", a répondu le directeur de NHS England, Simon Stevens, affirmant que "le financement du NHS en termes réels (sans tenir compte de l'inflation) va diminuer en 2018/19". "La Première ministre est dans le déni", en a conclu le leader de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn.

AFP/VNA/CVN

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