Le ramadan, mois des records de dons aux mosquées

"On leur dit : +donne au bon Dieu+" ! À Pantin, près de Paris, des quêteurs tendent des sacs aux fidèles quittant la mosquée après la prière. Ici comme ailleurs, la collecte est importante durant le ramadan, et stratégique pour financer les projets de lieux de culte.

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La "zakat", aumône obligatoire, est le troisième pilier de l'islam, un devoir d'assistance aux plus démunis.
Photo : AFP/VNA/CVN

La "zakat", aumône obligatoire, est le troisième pilier de l'islam, un devoir d'assistance aux plus démunis. Mais au-delà, la "sadaqa" (charité) comprend d'autres dons, comme ceux que les fidèles consentent aux associations gérant les 2.500 mosquées et salles de prière françaises. Un effort dont ces lieux ne peuvent se passer: c'est la communauté elle-même, estimée à quatre à cinq millions de membres en France, qui finance majoritairement les projets de construction ou d'extension, et non les fonds étrangers, minoritaires.

Le ramadan, mois de piété et de générosité qui doit s'achever autour du 25 juin cette année, est propice à ces dons. Un rapport sénatorial l'a bien pointé en 2016, citant l'exemple de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), dont "l'association cultuelle aurait récolté environ 1,3 million d'euros au cours du ramadan".

À Pantin, le président de la mosquée Islah confirme. "Des mosquées qui sont bien organisées peuvent pendant le mois de ramadan (couvrir) les loyers de l'année ou le salaire de l'imam. Et pour celles qui ont des projets de construction, ce sont de grosses levées de fonds de 100.000 à 500.000 euros pendant un mois! Du moment qu'il y a un objectif clair pour les fidèles, c'est un mois béni", explique M'hammed Henniche, également secrétaire général de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93).

Pendant son prêche dans un gymnase surchauffé, l'imam bénévole fait l'article - "On ne peut pas rester dans une cabane!" -, appelant les fidèles à contribuer à l'édification à Pantin, ville de plus de 50.000 habitants, d'un lieu "digne de cette belle religion".

"Cette dignité, l'État ne peut pas l'assurer, c'est aux musulmans de prendre en charge leurs problèmes", plaide-t-il devant un millier d'hommes massés en rangs serrés dans la salle quand d'autres, ainsi que des femmes, écoutent son prône à l'extérieur.

Du "système D" à la "professionnalisation"

Objectif pour la semaine: 50.000 euros pour financer 50 m² de la future "grande mosquée de Pantin", dans le cadre de l'opération "achetez 1 m² à 1.000 euros". Le chantier, préparé par cinq communautés (maghrébine, subsaharienne, turque, comorienne, bangladeshi), devrait débuter en 2020.

Tous les moyens sont bons: les fidèles peuvent glisser pièces et billets dans des sacs, payer par chèque, accéder dans la mosquée à des terminaux de carte bancaire, cliquer sur des sites de collecte en ligne...

Ailleurs, les dons se font "souvent sans reçu", relève Didier Leschi, auteur de Misère(s) de l'islam de France (Cerf), évoquant une logique de "système D". "Les fidèles ne peuvent pas toujours défiscaliser leur don, il n'y a pas partout cette professionnalisation qui permettrait à celui qui donne d'en tirer un avantage, comme dans les autres cultes, ce qui renforce le sentiment d'inégalité ressenti par les musulmans", estime cet ancien chef du bureau central des cultes.

Et comme les lieux musulmans ne sont pas toujours organisés en associations cultuelles loi 1905 mais en loi 1901, moins contrôlées, la déclaration des dons "est laissée à l'appréciation de celui qui reçoit", le gestionnaire de mosquée.

Mais la donne est en train de changer, assurent d'autres observateurs et responsables. Pour le blogueur Fateh Kimouche (Al Kanz), le modèle du "vieux qui fait la quête aux marchés" laisse la place à des collectes plus cadrées et efficaces. "L'argent est dans les poches des musulmans", il suffit que les nouvelles générations mettent en place "des mécanismes qui permettent le transfert de cet argent entre leurs poches et le compte des mosquées", estime-t-il.

À Pantin, M'hammed Henniche a déjà enregistré plusieurs dizaines de prélèvements automatiques mensuels, et voit "de plus en plus de fidèles qui se rapprochent des dirigeants pour réclamer des reçus fiscaux". "Cela rentre dans les mœurs", estime-t-il.


AFP/VNA/CVN

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