Le Mali aux urnes pour une présidentielle sous tension mais sans passion

Plus de huit millions de Maliens sont appelés aux urnes dimanche 12 août pour élire leur président lors d’un second tour placé sous haute sécurité mais qui ne déclenche pas les passions, la victoire étant pour beaucoup déjà promise au chef de l’État sortant Ibrahim Boubacar Keïta.

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Des partisans du président malien sortant Ibrahim Boubacar Keita, lors du dernier meeting électoral avant le 2e tour de la présidentielle, le 10 août 2018 à Bamako.

Mais avant même l’ouverture des bureaux de vote, dans la nuit de samedi 11 août à dimanche 12 août, le camp de l’opposant Soumaïla Cissé, en lice face au président sortant, a affirmé qu’une fraude était en préparation.

"Cela fait trois jours qu’on apprend que des bulletins de vote circulent dans le pays", a déclaré à l’AFP le chef de la campagne de M. Cissé, Tiébilé Dramé. "Ces bulletins devraient être sous scellés et ouverts seulement en présence des assesseurs, des délégués et des mandataires des candidats", a-t-il ajouté.

La tension était déjà montée samedi 11 août lorsque les services de renseignements maliens ont arrêté trois membres d’un commando, qualifié de "groupe terroriste", au moment où il "planifiait des attaques ciblées à Bamako pendant le weekend".

La nature de ces attaques n’a pas été précisée, mais les trois Maliens sont soupçonnés d’être les auteurs d’un braquage contre un péage qui avait fait trois morts en octobre 2016 à une trentaine de kilomètres de Bamako.

Les 23.000 bureaux de vote doivent ouvrir de 08h00 à 18h00 (GMT et locale) dans cet immense pays du Sahel toujours confronté à la menace jihadiste malgré cinq ans d’interventions militaires internationales, les résultats étant attendus dans quatre ou cinq jours.

Le vainqueur, qui entrera en fonction début septembre, aura la lourde tâche de relancer l’accord de paix conclu en 2015 par le gouvernement et l’ex-rébellion à dominante touareg, dont l’application accumule les retards. L’accord avait été signé après l’intervention de l’armée française qui, en 2013, avait repris le contrôle du nord du Mali, où les jihadistes avaient instauré la charia pendant un an.

Lors du premier tour, le 29 juillet, 871 bureaux (plus de 3%) étaient restés fermés en raison de violences, empêchant près de 250.000 Maliens de voter, surtout dans le Centre et le Nord.

Sécurité renforcée

Cette fois, quelque 36.000 militaires maliens, soit 6.000 de plus qu’il y a 15 jours, seront mobilisés afin de "renforcer" la démocratie et "crédibiliser le processus à travers une participation massive de la population", selon Cheick Oumar Coulibaly, un conseiller du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga.

Le chef du gouvernement s’est lui-même rendu samedi 11 août à Mopti pour vérifier si "tout est en place" dans cette région en proie à des violences ethniques attisées par des groupes jihadistes.

L’armée malienne sera à nouveau appuyée par les Casques bleus de l’ONU, les forces françaises de l’opération Barkhane et, dans le Nord, où l’État est peu ou pas présent, par des groupes signataires de l’accord de paix.

L’UE, premier bailleur international du Mali, a réclamé un accès garanti à tous les centre de vote pour les électeurs. Grâce aux renforts militaires, ses observateurs vont cette fois pouvoir suivre le déroulement du vote à Gao (Nord), mais toujours pas à Tombouctou et Kidal (Nord), ni Mopti.

Le scrutin, déterminant pour l’avenir du Sahel, se tient dans une relative indifférence de la population, fatiguée par plus de six ans de violences jihadistes

"Les dés sont jetés"

Le président malien sortant Ibrahim Boubacar Keita (centre) lors de son dernier meeting électoral avant le deuxième tour de la présidentielle, le 10 août 2018 à Bamako

"Personnellement, je n’irai pas voter", expliquait samedi 11 aoû un vendeur de voitures, Mamadou Traoré, pour qui l’opposant Soumaïla Cissé n’a "aucune chance".

Grand favori pour décrocher à 73 ans un deuxième mandat de cinq ans, M. Keïta avait récolté 41,70% des suffrages au premier tour, contre 17,78% pour son opposant Soumaïla Cissé, un ancien ministre des Finances de 68 ans qui n’a pas su unir l’opposition pendant l’entre-deux tour.

"Pour beaucoup, avec cet écart, les dés semblent être jetés", estime le juriste Aboubacar Traore. La "mobilisation massive", appelée par M. Cissé, est peu probable, la participation n’ayant été que de 42,70% au tour précédent.

L’affiche manque également cruellement de nouveauté: les deux finalistes ont milité dans le même parti dans les années 1990 puis fait partie des mêmes gouvernements. Ils s’étaient déjà affrontés en 2013, M. Keïta l’emportant à plus de 77%.

"Ce sont les mêmes. IBK ou Soumaïla, rien ne va changer", déplore un commerçant, Boubacar Traoré, qui s’abstiendra. Originaire de Tombouctou, Mohammed Ag Ibrahim, votera lui pour l’opposition. "IBK avait dit en 2013 qu’il allait régler le problème du Nord, mais il n’a rien fait!", accuse-t-il.

Quant au chauffeur de taxi Moussa Koulibaly, il cochera le nom d’"IBK", reprochant à M. Cissé d’avoir voulu "créer une crise" en contestant en justice son score du premier tour.

AFP/VNA/CVN

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