Le Liban en crise va demander une aide du FMI pour relancer son économie

Le Liban va demander une aide du Fonds monétaire international (FMI), a annoncé jeudi 30 avril le gouvernement après avoir adopté un plan visant à relancer l'économie au bord du naufrage du pays, déjà secoué par un violent regain de contestation sociale.

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Le Premier ministre libanais Hassan Diab donne une conférence de presse au palais présidentiel à Beyrouth, le 30 avril.

Le gouvernement libanais espère que son plan de relance économique, entériné jeudi 30 avril, sera jugé suffisamment crédible par la communauté internationale pour lui garantir des aides cruciales de plus de 20 milliards d’USD (18 mds d'euros). Les mesures de confinement adoptées contre le nouveau coronavirus ont aggravé la crise, la plus grave depuis la guerre civile (1975-1990) : inflation grimpante, pénurie de liquidités et forte dépréciation de la monnaie par rapport au USD, utilisé au quotidien au même titre que la livre libanaise.

"Nous allons demander un programme du Fonds monétaire international", a déclaré le Premier ministre Hassan Diab dans une allocution télévisé. Il a expliqué que le plan de relance serait une "feuille de route" pour mettre le pays sur la voie du "sauvetage financier et économique". L'annonce intervient après trois nuits consécutives de violences dans la deuxième ville du pays, Tripoli (Nord), où des manifestants sont sortis pour dénoncer une chute de leur pouvoir d'achat.

Le naufrage économique a été l'un des déclencheurs en octobre 2019 d'un soulèvement inédit contre la classe politique, inchangée depuis des décennies et accusée de corruption et d'incompétence. Avec son plan de relance, le gouvernement s'est donné "des objectifs sur cinq ans", a assuré M. Diab. Il s'agit notamment d'obtenir "un soutien financier externe dépassant les 10 milliards d'USD", outre 11 milliards promis en 2018 lors d'une conférence internationale à Paris, a-t-il dit. Ces fonds de 2018 auraient dus être versés en contrepartie de réformes. Mais faute d'action des dirigeants, ils n'ont pas été débloqués.

Négociations

Aujourd'hui, l'objectif est aussi de faire passer la dette publique à moins de 100% du PIB, a précisé M. Diab. Le Liban, qui a annoncé en mars être en défaut de paiement, croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du PIB, l'un des taux les plus élevés au monde. Avec l'adoption du plan, le pays peut désormais "formaliser les négociations avec les créanciers détenteurs d'Eurobonds" - bons du Trésor émis en USD -, selon le chef du gouvernement.

Quelque 80 milliards d’USD (environ 73 mds d'euros) sont nécessaires pour sortir le pays de la crise, selon des fuites dans les médias. Pour élaborer son plan de relance, le Liban avait requis en février une assistance technique du FMI. Jeudi 30 avril, le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis, a salué "un pas important vers les réformes". Il a estimé qu'il était temps d'écouter la société civile pour "ouvrir la voie à des négociations avec le FMI et d'autres partenaires internationaux".

Un manifestant libanais parle à des forces de sécurité lors d'affrontements, à Sidon, au Liban, le 29 avril.

Le gouvernement a annoncé jeudi 30 avril qu'il ne prévoyait pas pour l'instant de revoir le taux de change de la livre libanaise, indexée sur le dollar depuis 1997. Le taux officiel de 1.507 livres pour un dollar reste donc inchangé, alors que la livre poursuit sa dégringolade dans les bureaux de change, franchissant le seuil des 4.000 livres pour un USD. Les craintes d'un possible "haircut" (ponction des dépôts bancaires des particuliers) ayant été ravivées, les autorités ont assuré qu'au moins 98% de ces dépôts étaient protégés.

La colère gronde

Selon des estimations officielles, 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces derniers mois des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi ou vu leur salaire réduit. Malgré le confinement et un couvre-feu nocturne imposés face à l'épidémie de COVID-19 (725 cas officiellement recensés dont 24 décès), la colère gronde à nouveau dans la rue.

"Notre pouvoir d'achat a énormément baissé, mon salaire suffit à peine pour finir le mois", déplore Alaa, 34 ans, employé d'une ONG qui attend un enfant et participe aux manifestations à Tripoli. Mercredi 29 avril, des heurts ont éclaté dans cette ville entre manifestants et forces de sécurité. Au moins 23 manifestants et 19 militaires ont été blessés, selon l'agence officielle ANI. Des affrontements similaires ont eu lieu lundi 27 avril et mardi 28 avril, faisant un mort parmi les manifestants. Ces derniers dénoncent des services publics (fourniture d'électricité et d'eau, gestion des déchets) de base en déliquescence.

Ils fustigent l'attentisme des responsables face à une crise qui s'aggrave et les accusent d'être coupés de la réalité et trop préoccupés par les querelles politiciennes interminables, qui paralysent régulièrement l'État.


AFP/VNA/CVN

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