Brésil : un ministre claque la porte, Bolsonaro dos au mur

Le très populaire ministre de la Justice du Brésil, Sergio Moro, a démissionné avec fracas vendredi 24 avril en invoquant l'"ingérence politique" du président Jair Bolsonaro dans les affaires judiciaires, ce que ce dernier a nié énergiquement.

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Sergio Moro à la conférence de presse lors de laquelle il annonce démissionner de son poste de ministre de la Justice, le 24 avril 2020 à Brasilia.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les graves accusations de l'ancien juge anticorruption ont suscité de vives réactions politiques, certains considérant même qu'elles pouvaient motiver une destitution du chef de l'État.

Le président d'extrême droite a contre-attaqué en fin de journée, affirmant que ces accusations étaient "infondées" lors d'un discours prononcé avec un aréopage de ministres, faisant bloc derrière lui, épaule contre épaule et tous sans masque, sauf celui de l'Économie, en pleine pandémie de coronavirus.

Le chef de l'État a affirmé que son ex-ministre ne se préoccupait "que de son ego, pas du Brésil", visant notamment "un siège à la Cour suprême".

Son gouvernement est secoué par un nouveau départ, huit jours après le limogeage du ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta, également très populaire et favorable au confinement, contrairement au président.

Bolsonaro "creuse sa tombe"

Après des mois de tension avec le président qui avait pourtant promis de lui donner "carte blanche", M. Moro a finalement quitté le navire quand le chef de l'État a évincé l'un de ses hommes de confiance, le chef de la Police fédérale, Mauricio Valeixo.

Et il est parti en lançant une bombe, affirmant que le président souhaitait remplacer M. Valeixo par "une personne avec qui il aurait un contact personnel, qu'il pourrait appeler pour obtenir des informations sur les enquêtes" en cours.

Le président brésilien Jair Bolsonaro à Brasilia, le 16 avril 2020.
Photo : AFP/VNA/CVN

Jair Bolsonaro a affirmé pour sa part que M. Moro était d'accord pour le laisser partir, mais seulement en novembre, après être assuré de sa propre nomination par le président à la Cour suprême. Ce que M. Moro a immédiatement démenti sur Twitter.

Jair Bolsonaro a assuré ne jamais avoir "réclamé d'information sur une quelconque enquête en cours".

Mais il a admis être intervenu à plusieurs reprises dans des dossiers de la Police fédérale, notamment au sujet de l'enquête sur l'attentat à l'arme blanche dont il a été victime en septembre 2018.

"Est-ce une ingérence de demander qui a voulu tuer Jair Bolsonaro ?", a-t-il lancé, regrettant que les enquêteurs "accordaient plus d'importance" à l'enquête sur l'assassinat de l'ex-conseillère municipale de gauche Marielle Franco, en mars 2018.

À la place de M. Valeixo, il a nommé en soirée Alexandre Ramagem, actuel directeur du renseignement brésilien (Abin).

Malgré le démenti du chef de l'État, le procureur-général a annoncé vendredi l'ouverture d'une enquête sur les accusations de M. Moro.

"Ce sont des déclarations très graves, indiquant de possibles crimes commis par le président de la République", a affirmé dans un communiqué Felipe Santa Cruz, président de l’Ordre des Avocats du Brésil.

L'ex-président de centre droit Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) a réagi de façon très virulente sur Twitter.

"Le président est en train de creuser sa tombe. Qu’il démissionne avant d’être démis. Qu’on nous épargne, au-delà du coronavirus, un long processus de destitution", a-t-il écrit.

"Notre pays doit combattre deux virus, le coronavirus et un autre virus qui se trouve au palais présidentiel de Planalto", a lâché pour sa part le gouverneur de Sao Paulo, Joao Doria.

Rival en puissance pour 2022

Accueillie par un concert de casseroles dans plusieurs villes brésilienne, la démission de Sergio Moro a suscité l'inquiétude des marchés, la Bourse de Sao Paulo chutant de 5,45% à la clôture, tandis que le real brésilien enfonçait un nouveau plancher, à 5,66 réais pour un dollar.

De nombreux analystes craignent que le gouvernement perde un autre ministre-clé, celui de l'Économie, Paulo Guedes, dont les relations avec le président Bolsonaro se sont grandement détériorées.

Pour Sylvio Costa, fondateur de Congresso em Foco, un site spécialisé sur le Parlement, le départ de Sergio Moro risque de porter un rude coup à la cote de popularité de Jair Bolsonaro, tout en "propulsant sur le devant de la scène" un rival pour la présidentielle de 2022.

Mais le chef de l'État a préféré prendre ce risque pour "se protéger" en tentant de placer un homme de confiance à la tête de la Police fédérale, qui mène des enquêtes touchant ses proches ou alliés.

Une des personnes visées est son fils aîné Flavio Bolsonaro, aujourd'hui sénateur, accusé de détournements de fonds par le biais d'emplois fictifs quand il était député régional à Rio de Janeiro.

AFP/VNA/CVN

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