Le haiku japonais en terre vietnamienne

L’automne dernier, s’est tenu à Hanoi un colloque sur «L’âme vietnamienne à travers le haiku japonais», sous l’égide de l’Association d’amitié Vietnam-Japon de Hanoi et du Club hanoïen de haiku et avec la participation de poètes venus de Tokyo.

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Dans le cadre des activités d’échanges culturels Vietnam-Japon, des concours de composition de haiku sont organisés au Vietnam.

Les échanges d’idées, très fructueux, ont tourné autour des sujets suivants : le haiku au Vietnam et sa voie de développement, l’âme vietnamienne à travers le haiku, le haiku vietnamien dans son processus de recherche et d’expérimentation, comment adapter au haiku la rime 6 + 8 et autre rimes de la versification vietnamienne ? Les membres du Club hanoïen de haiku, fondé il y a seulement cinq ans, se sont donnés beaucoup de peine pour pénétrer les secrets du poème japonais et l’adopter pour le mettre au service de la Muse vietnamienne.

Poésie et phénomène de l’acculturation

L’introduction d’un genre poétique étranger dans une littérature nationale relève du phénomène de l’acculturation. Elle s’est accomplie trois fois dans la littérature vietnamienne. La première fois, au cours de mille ans de domination chinoise (jusqu’à 939) et neuf cents ans de dynasties royales indépendantes (939-1884), nous avons importé la métrique de la poésie des Tang, créant même des formes nouvelles, par exemple le Song thất lục bát (strophe de 2 vers, genre Tang 7 + 7 pieds suivis de 2 vers 6 + 8 pieds à la vietnamienne).

La seconde fois, au temps de la domination française (1884-1945), la poésie vietnamienne s’est enrichie d’apport de la poésie française du point de vue de la forme (par exemple l’adoption de l’alexandrin), mais surtout du fond (influence du lyrisme romantique de Lamartine, Hugo, Musset…), d’où l’épanouissement du Thơ mới (Nouvelle poésie) absent dans l’ancienne poésie classique confucianisée.

La troisième fois, après la reconquête de l’indépendance en 1945 et 30 ans de guerre de libération nationale (1946-1975), la politique du Dôi moi (Renouveau) en 1986 a ouvert le Vietnam à tous les pays du monde. Les poètes vietnamiens expérimentent de différentes formes poétiques étrangères, modernes et postmodernes. C’est dans cette atmosphère de globalisation que depuis une dizaine d’années, le haiku japonais fait son entrée au Vietnam. Notons que le haiku envahit le monde non grâce à la propagande japonaise mais grâce à l’attrait qu’il exerce sur les étrangers, en particulier sur les Occidentaux au début du siècle dernier.

Il existe à Tokyo une Association internationale de haiku qui publie la revue World Haiku. Son numéro 10 de 2014 présente des poèmes de 188 poètes appartenant à 40 pays, écrits en 30 langues. Le Japon compte des dizaines de revues consacrées au haiku, les quotidiens réservent même un coin au haiku.

Éclaircissement sur le haiku

Le haiku adopte la forme poétique la plus courte du monde : trois lignes de 17 pieds au total (5+7+5). Au Japon, il s’écrit souvent en une ligne avec trois groupes de mots séparés par des espaces blancs, sorte d’arrêt permettant aux lecteurs de mieux saisir les idées. Il comporte trois éléments qui expriment en trois lignes une sensation (un bruit, ce qu’on voit…) liée à la saison de l’année (c’est-à-dire à la nature) et l’émotion qui en résulte. Il reflète la conception du WAKI SABI, mot intraduisible, d’après un professeur japonais que j’ai interrogé. Ce dernier me donne en anglais les correspondances suivantes : loneliness, calm, silence, ordinary. C’est sans doute une conception de vie orientale, intégrant l’homme dans la nature, donnant la priorité au spirituel et libérant le Moi :

Le haiku avait été d’abord le court poème d’introduction du haikai, forme poétique très populaire au XVIe et XVIIe siècles qui comprend une série de vers qui se suivent et qui sont écrits par plusieurs personnes l’un après l’autre. C’est à Basho que revient le mérite d’avoir détaché le haiku du haikai pour créer un genre à part auquel il a donné des règles et une esthétique qui l’éloignent de la vulgarité du haikai. Le haiku opte pour la concision, la simplicité et refuse l’emploi des adjectifs.

Une exposition de haiku à Hôi An en 2013.

Dans son discours d’ouverture du colloque à Hanoi sur le haiku, Bonya Natsuishi, président de la World Haiku Association, a révélé des similitudes étonnantes entre les cultures japonaise et vietnamienne au point du vue linguistique, folklorique et archéologique. Il signale des méprises sur la nature du haiku commises par certains chercheurs étrangers. Ainsi, B.H. Chanberlain, traduisant des haiku en anglais, a adopté le distique, ce qui rend l’original vulgaire et lui fait perdre sa profondeur. C.E. Maistre idéalise Basho au point de faire de lui un adepte modèle du Zen. D’autre part, on explique que Basho aurait utilisé le haiku, ce poème très court répandant à sa pensée Zen et que les déplacements permanents ne lui aurait pas permis d’écrire de longs poèmes. Ce n’est pas vrai, le haiku a sa valeur intrinsèque, il est à l’avant-garde de la poésie japonaise.

B. Natsuishi est très heureux de saluer la naissance du haiku vietnamien. Très sensible aux tonalités de la langue vietnamienne, il «espère que le haiku vietnamien pourra traduire la musicalité vietnamienne». Le haiku au Vietnam est en plein période d’expérimentation bouillonnante. Il s’agit de trouver un haiku qui reflète l’âme vietnamienne tout en gardant la saveur du haiku japonais, fond et forme. Acculturation qui demande du temps et du talent.


Qu’est ce que le haiku ?

Le haiku, terme créé par le poète Masaoka Shiki (1867-1902), est une forme poétique très codifiée d’origine japonaise et dont la paternité, dans son esprit actuel, est attribuée au poète Basho Matsuo (1644-1694). Il s’agit d’un petit poème extrêmement bref visant à dire l’évanescence des choses. Ce poème comporte traditionnellement 17 mores en trois segments 5-7-5, et est calligraphié traditionnellement soit sur une seule ligne verticale soit sur trois. Les haïkus ne sont connus en Occident que depuis le tout début du XXe siècle. Les écrivains occidentaux ont alors tenté de s’inspirer de cette forme de poésie brève. La plupart du temps, ils ont choisi de transposer le haïku japonais, qui s’écrivait sur une seule colonne sous la forme d’un tercet de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes pour les haïkus occidentaux. Quand on compose un haïku en français, on remplace en général les mores par des syllabes ; cependant, une syllabe française peut contenir jusqu’à trois mores, ce qui engendre des poèmes irréguliers.
(D’après Wikipédia)


Huu Ngoc/CVN

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