>>L'ONU promettent 133 millions d'USD pour gérer la crise des réfugiés vénézuéliens
>>Venezuela: le gouvernment ne participera pas au dialogue avec l'opposition
Une femme vend des "hallacas" (crêpes fourrées) à un dollar pièce à Caracas, le 19 novembre 2019. |
Le Venezuela, qui tire 96% de ses revenus du pétrole, fait face à la quadrature du cercle. Sa production de brut est en chute libre et il subit des sanctions américaines qui visent non seulement son secteur pétrolier, mais aussi le président socialiste et son entourage.
À cours de liquidités, Nicolas Maduro a flexibilisé le contrôle des changes et des prix qui prévalaient à l'époque de son prédécesseur Hugo Chavez (1999-2013). Tant que les prix du baril étaient élevés, le défunt chef de l'État pouvait sortir le carnet de chèques pour importer à tout-va sans se soucier de la production nationale.
Mais avec la chute des prix du brut et la dégringolade de la production vénézuélienne, passée de 3,2 millions de barils par jour il y a dix ans à 700.000 aujourd'hui, le modèle est devenu intenable.
Et les Vénézuéliens en paient le prix: les pénuries de denrées alimentaires et de médicaments se sont multipliées, l'inflation a explosé et la devise locale - le bolivar - a vu sa valeur fondre.
Alors le gouvernement s'est engagé sur la voie du "laissez-faire". "Je ne vais t'imposer aucun contrôle, je ne vais pas te mettre à l'amende pour les prix que tu pratiques, mais c'est à toi d'apporter le capital" pour faire fonctionner une affaire, résume l'économiste Luis Arturo Barcenas.
Parallèlement, Caracas, critiqué pendant des années pour son manque de rigueur fiscale, a décidé d'opérer des coupes budgétaires draconiennes et de fortement restreindre l'accès au crédit.
Résultat: l'inflation galopante a décéléré -- mais devrait tout de même atteindre 200.000% en 2019 selon le FMI -- et les pénuries commencent à se résorber. Malgré tout, le PIB devrait se contracter cette année de 35% , selon le FMI.
"On a finalement saisi quelle était l'origine de l'hyperinflation: le financement monétaire du déficit", explique Luis Arturo Barcenas. En clair: la surchauffe de la planche à billets.
"Les gens paient en dollars"
Un marchands vend ses fruits en dollars dans le marché d'El Valle à Caracas, le 19 novembre 2019. |
Face à l'hyperinflation et à la dépréciation du bolivar, les Vénézuéliens cherchent refuge dans le dollar. "C'est une manière de se défendre", avance Rosmary Paz qui vend des "hallacas" (crêpes fourrées) à Caracas.
C'est aussi un retournement de l'histoire. Depuis 2013 et son accession à la présidence, Nicolas Maduro n'avait de cesse de dénoncer le "dollar criminel", affirmant que les prix affichés dans la monnaie américaine étaient "manipulés".
Récemment pourtant, il a opéré un virage à 180 degrés.
Dans une récente interview, il a dit n'avoir rien contre la dollarisation de fait de l'économie, affirmant même y voir une "soupape" pour adoucir le "blocus économique" de Washington qui a mis en place un embargo sur le pétrole vénézuélien en avril.
C'est surtout la reconnaissance d'un état de fait. À Caracas, les boutiques qui vendent fromages français et steaks américains en dollars pullulent. Mais, fait nouveau, dans les quartiers populaires aussi, le billet vert a ses entrées. "Les gens viennent et ils paient en dollars", indique Junior Nieves, épicier dans le quartier d'El Valle.
Le dollar confère un statut social a celui qui en possède, dans un pays où le salaire minimum équivaut à environ 9 dollars. "J'aimerais avoir des dollars, mais je n'en ai pas", se lamente Eloy Rivas, un laveur de voitures de 57 ans.
Selon le cabinet Ecoanalitica, seuls 15% des Vénézuéliens ont des rentrées d'argent en devises étrangères de manière régulière et 35% de manière occasionnelle.
Et pour "avoir" des dollars, souvent les "remesas", l'envoi d'argent par des proches installés à l'étranger, sont la solution. C'est d'ailleurs pour faciliter leur flux que le gouvernement a flexibilisé le contrôle des changes.
À en croire Ecoanalitica, les "remesas" envoyées cette année au Venezuela devraient dépasser les 3,5 milliards de dollars.
Selon l'ONU, 3,6 millions de Vénézuéliens ont fui le pays en crise ces quatre dernières années.