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L'observatoire Paranal, au Nord du Chili, le 6 février 2018. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le désert d'Atacama, à 1.200 km au nord de Santiago, offre pourtant des conditions idéales : le ciel y est dégagé la majeure partie de l'année.
Les plus importants télescopes au monde s'y sont installés, à tel point que, d'ici 2020, on estime que le nord du Chili concentrera 70% de l'infrastructure astronomique mondiale.
Mais l'expansion des villes et le recours à la technologie des lampes à diode électroluminescentes (LED) menacent le travail des observatoires de cette région.
Une étude publiée en décembre dans la revue Science Advances a déjà montré que l'éclairage planétaire s'est accru, tant en quantité qu'en intensité, d'environ 2% par an de 2012 à 2016.
Dans les communes du Nord du Chili comme Antofagasta, Coquimbo ou La Serena, les lampes LED sont de plus en plus utilisées pour éclairer les logements, les rues, les enseignes de magasins et les panneaux publicitaires.
"Malheureusement, comme il y a davantage d'éclairage blanc, la détérioration des cieux a augmenté, de jusqu'à 30% de plus qu'à la fin de la dernière décennie", explique Pedro Sanhueza, responsable du Bureau de protection de la qualité du ciel du nord du Chili.
Et plus particulièrement, le Nord du Chili entre dans "une zone de dangers" car cette pollution lumineuse menace la profonde obscurité nocturne dont ont besoin les télescopes pour travailler.
Boom urbain
À l'observatoire Paranal, qui héberge les quatre énormes télescopes VLT (Very large telescope) de l'Observatoire européen austral (ESO), des mesures de prévention sont déjà adoptées.
Après le coucher du soleil, interdiction pour les véhicules circulant autour de l'observatoire d'utiliser leurs feux de route. Seuls ceux de stationnement, plus faibles, sont autorisés. Et pour marcher dans le noir, il faut des lampes de poche toujours tournées vers le sol.
Les résidences des astronomes et du personnel de Paranal sont elles aussi éclairées au minimum, pour éviter de perturber l'observation des étoiles.
Mais le boom urbain est une réalité imparable depuis 20 ans dans le nord du Chili : les villes y ont été dopées par l'exploitation du cuivre, dont le pays sud-américain est le premier producteur mondial.
Les halos de lumière au-dessus de ces communes sont facilement visibles depuis les observatoires situés dans un rayon de moins de 150 kilomètres.
"Nous avons mesuré l'impact (de ce phénomène) et nous avons déjà des difficultés pour réaliser des observations (du ciel) à 20 degrés au-dessus de l'horizon. Cela va beaucoup augmenter et nous empêchera d'étudier les étoiles les plus lointaines", déplore Chris Smith, chef de mission de l'observatoire Tololo, implanté à 2.200 m d'altitude, à 80 km de la ville de La Serena.
Néfaste pour la santé
L'observatoire Paranal, au Nord du Chili, le 6 février 2018. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
À la croissance urbaine s'ajoute l'installation d'énormes infrastructures pour extraire le cuivre et la construction d'autoroutes en plein désert d'Atacama, elles aussi sources lumineuses.
Smith appelle à éduquer les nouvelles générations sur un usage durable de la lumière, d'utiliser des sources "plus chaudes" donc moins polluantes, et d'éviter de les tourner vers le ciel.
"Nous sommes déjà à un niveau d'impact important et nous avons besoin de le contrôler dès maintenant. Il est hors de question de fermer les observatoires", essentiels pour chercher d'éventuelles planètes similaires à la Terre et sources de vie, affirme l'astronome américain.
C'est pourtant le chemin vers lequel pourrait se diriger l'observatoire de Monte Palomar, en Californie : il a dû réduire fortement ses activités en raison de la pollution lumineuse émise par Los Angeles.
Pour contrer ce fléau, le gouvernement chilien a approuvé en 2012 une nouvelle norme de réduction de l'éclairage.
Car avoir de la lumière la nuit affecte aussi l'environnement et la santé, en perturbant le rythme circadien, l'horloge biologique - ce qui accroît le risque de cancer, de diabète et de dépression -, ainsi que la dormance des végétaux qui leur permet de survivre aux rigueurs de l'hiver.