>>Énergie : la Pologne lance la plus grande unité charbon d'Europe
Un nuage de smog au-dessus de Cracovie, en Pologne en 2013. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Certains jours d'hiver à Varsovie, un voile gris cache les gratte-ciels et l'air qu'on respire fait penser à un feu de camp auquel on a jeté un sac plastique.
Le smog est là et la Pologne, fière de ses succès économiques, le reconnaît avec gêne. Selon des chiffres publiés en 2016 par l'Organisation mondiale de la santé, trente-trois des cinquante villes les plus polluées d'Europe se trouvaient sur son territoire.
Maria, mère de trois jeunes enfants, pianote nerveusement sur son téléphone en prenant son café du matin. "Cela recommence, Varsovie est deuxième sur Air Visual, juste après Katmandou, devant Calcutta et New-Delhi", constate-t-elle avec amertume.
La situation est la plus grave dans le sud. Et c'est là, à Katowice, centre du bassin houiller silésien, que la Pologne doit accueillir, en décembre prochain, la conférence COP24 sur le climat.
Mais les Polonais ne veulent plus attendre patiemment les grandes actions institutionnelles.
"Dans notre petite ville de Pszczyna, deuxième ville la plus polluée de Pologne, on doit faire quelque chose", raconte Jan Franek, un lycéen de 16 ans, membre d'un groupe de collégiens partis spontanément en guerre contre le smog.
"Cela ne se voit pas"
"Beaucoup de nos habitants âgés ne croient pas au smog. Pour eux, cela ne se voit pas, donc cela n'existe pas", se désole-t-il.
Un nuage de smog au-dessus de Varsovie au mois de janvier 2017 |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Il est venu la semaine dernière à Varsovie avec quelques camarades de leur groupe baptisé "N'engraisse pas le smog" (le mot smog ressemblant en polonais à "smok", le dragon). Ils sont là pour assister à la remise au ministère de l'Énergie d'une pétition lancée par Greenpeace Pologne et des élus locaux et signée par 36.000 personnes. Elle demande l'imposition de normes strictes concernant la qualité du charbon. Utilisé par des millions de Polonais pour se chauffer, souvent de mauvaise qualité, le charbon est la principale source de pollution de l'air, devant le trafic automobile et l'industrie.
De telles normes devaient être introduites en mars 2017, mais ne l'ont toujours pas été.
En fait la seule mesure prise récemment par l'État impose des chaudières de meilleure qualité. Mais, explique Marek Jozefiak, coordinateur de la campagne "Climat et Energie" chez Greenpeace, "il ne suffit pas d'avoir des chaudières modernes si on continue à y brûler du charbon de mauvaise qualité, très polluant".
Ou, comme cela arrive encore fréquemment, des déchets en tout genre, source de fumées nocives. Face au smog, la résistance s'organise.
Polski Alarm Smogowy (PAS, Alerte au smog polonaise), explique dans un tract qu'en fait les normes officielles de pollution cachent la gravité de la situation.
"Si on appliquait en Pologne le seuil de pollution adopté en France, plusieurs villes vivraient en état d'alerte pendant des dizaines de jours, et certaines pendant deux mois par an", relève un responsable du PAS, Piotr Siergiej.
En effet, la pollution aux particules PM10 est considérée dangereuse en Pologne à partir de 300 microgrammes par mètre cube. En France, ce seuil est de 80 microgrammes.
Lobby du charbon
Réaliste, le gouvernement, que les défenseurs de l'environnement soupçonnent de mollesse en raison de la puissance du lobby du charbon, ne promet pas de changement à court terme.
La pollution aux particules PM10 est considérée dangereuse en Pologne à partir de 300 microgrammes par mètre cube. En France, ce seuil est de 80 microgrammes. |
La ministre de l'Entrepreneuriat et de la Technologie, Jadwiga Emilewicz, cite avec inquiétude les estimations selon lesquelles 40.000 Polonais meurent chaque année à cause de la pollution. L'Agence européenne de l'environnement fait monter ce chiffre à 50.000, pour une population de 38 millions.
"Une amélioration sera ressentie d'ici cinq ans", dit-elle, grâce à la mise en vigueur de normes de qualité pour les carburants solides et à l'aide apportée aux plus pauvres, les "exclus énergétiques" pour isoler leurs logements, remplacer leurs vieux poêles polluants ou offrir du chauffage propre à des tarifs réduits.
Maria, elle, pense que cinq ans c'est long. "Entretemps mes enfants auront respiré plein de microparticules et ils les garderont dans leurs poumons ou même dans leur sang."