Le chef japonais Raphaël-Fumio Kudaka. Photo : AFP/VNA/CVN |
Des parcs à huîtres, un phare, une jetée et des bateaux de pêche au mouillage : le panorama visible depuis la petite salle de 20 couverts de la «Table de Breizh Café» est incontestablement breton. Mais aux commandes, derrière son comptoir, c’est bien un chef japonais qui officie.
Pour ouvrir l’appétit, une salade de fruits de mer toute simple avec des produits des marchés de Cancale ou de Saint-Malo s’accompagne de coriandre, de riz japonais, de fines lamelles d’omelette minutieusement disposées à la baguette. L’entrée reçoit en touche finale un filet de shikwasa, (jus d’agrumes d’Okinawa), la région natale du chef. Au déjeuner, le Nabe, ce plat unique japonais traditionnel, est revisité à la sauce bretonne. Huîtres, homards, crevettes, saumon, lieu, noix de Saint-Jacques, le tout pêché à quelques encablures de Cancale, sont cuits dans le bouillon et disposés sur des légumes à la japonaise accompagnés de nouilles de kuzu (transparentes).
Le mariage des saveurs culmine avec le menu du dîner intitulé «Image du Japon et de la Bretagne». On y trouve le Soba et un ingrédient commun aux deux cultures : la farine de sarrasin (base de la galette bretonne) transformée ici en pâtes. Le tout est accompagné de nori (algues) et wasabi râpé. Le tempura (beignet) façon Breizh Café ne contient pas de crevette mais du homard des îles Chausey et pour l’accompagner, le chef a choisi une touche armoricaine emblématique : l’artichaut.
«Table de Breizh Café» est incontestable-ment breton. Photo : AFP/VNA/CVN |
Si la haute gastronomie française fait aujourd’hui souvent appel à des ingrédients et des modes de cuisson japonais, ce restaurant va plus loin, réussissant l’alchimie entre deux pays aux antipodes, mais tous deux amateurs de poissons et de fruits de mer.
Sobriété nippone
«Ici il y a de très bons fruits de mer, les huîtres, les poissons, les viandes à la ferme, les légumes bio, tout ça», explique le chef de 48 ans. «J’utilise tous ces produits et j’ajoute des choses, la technique japonaise, des ingrédients japonais, et je fais un mélange, un mariage entre la France et le Japon», précise-t-il tout sourire.
Mais l’alliance entre le pays du Soleil levant et la Bretagne ne s’arrête pas là. Le design des lieux conçu par un architecte japonais respire la sobriété nippone, mais se pare d’un cachet celtique. Les meubles en bois clair, les panneaux de bambou, les Kotatsu (tables montées sur des estrades) viennent du Japon. Mais les pièces de granit qui décorent la salle, ainsi que le comptoir en chêne sont bretons.
Outre ses talents, M. Kudaka a aussi importé une certaine humilité toute japonaise. «On est un petit restaurant», ajoute-t-il en balayant la salle de son regard depuis le comptoir où il assemble les plats avec l’aide de son unique assistant, Ippei, un jeune cuisinier japonais. Face à ses clients attablés, il se montre attentif, indiquant à certains comment se servir de baguettes, expliquant à d’autres le contenu des plats. S’il emploie à merveille les techniques culinaires japonaises, Fumio Kudaka, appelé aussi Raphaël par ses amis français, se présente aussi comme un «chef français».
Pendant 12 ans, à Tokyo, il a été chef au «Georgian Club», une table de cuisine française réputée à laquelle il a fait gagner, déjà, une étoile au Michelin. Marié à une Bretonne, il a été formé dans une école hôtelière de Lyon (Centre) avant de travailler pour plusieurs pointures de la cuisine française, dont Olivier Roellinger, Michel Guérard et Marc Veyrat. Le chef Kudaka doit le projet de la «Table de Breizh Café» à son partenaire, Bertrand Larcher.
Propriétaire de huit crêperies «Breizh café» et d’un bar à cidre au Japon, d’une crêperie à Paris, M. Larcher, lui-même marié à une Japonaise, avait en tête le projet depuis plusieurs années. La crêperie Breizh Café a ouvert sur le port de Cancale en 2005, cinq ans plus tard le chef Kudaka prenait possession de la table gastronomique.
AFP/VNA/CVN