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Des touristes marchent dans la "forêt des nuages" de Monteverde, au Costa Rica, le 23 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ici, on devrait écouter le goutte-à-goutte constant de la condensation de l'humidité tombant des arbres. Mais ce sont les branches mortes qui rompent le silence en craquant sous le pas des touristes sur les sentiers au sol asséché.
La forêt d'altitude résiste encore et régale le promeneur d'une infinie variété de verts sous un soleil, hélas, éclatant : le brouillard qui régnait encore il y a peu ici en maître se dissipe sous l'effet de la hausse des températures, se lamente le guide Andrey Castrillo, âgé de 24 ans.
"La forêt devrait être fraîche", explique-t-il. "On devrait entendre les gouttes tomber dans toute la forêt, mais cela n'arrive plus que pendant les journées les plus arrosées et venteuses de la saison des pluies", se désole-t-il.
"Ici il n'y avait pas de soleil. Nous avions une trentaine de jours de soleil par an. Maintenant nous en avons plus de 130", déplore le guide.
À 1.400 m d'altitude, à 140 km au nord-ouest de la capitale San José, la réserve naturelle de Monteverde (privée) s'étend sur 14.200 ha et abrite une centaine d'espèces de mammifères, 440 d'oiseaux et 1.200 d'amphibiens.
Ce type exceptionnel de forêts d'altitude ne représente que 1% des zones tropicales et subtropicales mondiales. "La couverture nuageuse proche du sol se forme lorsque la saturation d'humidité est supérieure à 90% avec des températures comprises entre 14 et 18 degrés Celsius", explique la chercheuse Ana Maria Duran à l'Université du Costa Rica, âgée de 38 ans.
"Marcher au milieu des nuages"
La chercheuse explique qu'elle vient ici régulièrement depuis plus de vingt ans. Normalement, le brouillard "presque permanent" donne l'impression "de marcher pratiquement au milieu des nuages" et l'on ne devrait pas voir à plus d'un mètre dit-elle, alors que le regard s'enfonce dans la forêt où règne une température de plus de 25°C sous un ciel bleu où seuls quelques nuages couronnent les sommets.
"Venir à Monteverde pour y trouver des conditions aussi sèches et ne pas être dans les nuages comme c'était le cas il y 20 ans quand j'ai commencé à venir, c'est évidemment très triste", commente Mme Duran.
Hausse des températures, baisse de l'humidité, plus de soleil: les mousses sont sèches sur les troncs d'arbres, les rivières ne sont plus que des ruisseaux, et les amphibiens sont ici les premières victimes du changement climatique.
"Le déclin des amphibiens dans les forêts des nuages peut servir de signal d'alarme", avertit la biologiste Andrea Vincent, qui enseigne à l'Université du Costa Rica.
Déjà, l'espèce Incilius periglenes, connue sous le nom de grenouille dorée, ou de Monteverde, est considérée comme éteinte depuis 2019 sur la liste de l'Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN).
"Une forêt des nuages sans nuages, elle va disparaître, c'est obligé", assène l'universitaire de 42 ans, avertissant qu'"il va y avoir beaucoup d'extinctions" d'espèces.
Mais ce "scénario décourageant" peut encore être évité, espère-t-elle : "les écosystèmes sont résilients. Si nous faisons des efforts pour arrêter le changement climatique c'est possible que les forêts des nuages se restaurent... pas pendant notre vie à nous mais peut-être pour les prochaines générations".
AFP/VNA/CVN