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Des déchets plastiques retrouvés dans les eaux de la mer Egée par des pêcheurs et plongeurs, entreposés sur le marché aux poissons de Keratsini, en Grèce, le 26 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Devant le "Panagiota II", un bateau de pêche familial, Lefteris Arapakis trie sa "récolte de la nuit" : bouteilles, bottes, tuyaux plastiques, machines, filets de pêche. Autant de déchets provenant des fonds marins du golfe Saronique, en mer Egée.
"Le tout pèse environ 100 kg", assure cet économiste de 29 ans, co-fondateur de l'Enaleia, une ONG qui aide les pêcheurs à collecter les déchets marins piégés dans leurs filets.
S'appuyant sur des rapports environnementaux, Lefteris Arapakis s'émeut du fait que d'ici à 2050, "il y aura plus de plastique que de poissons" dans la mer.
"On nage dans le plastique!", lance-t-il.
Les déchets marins retrouvés ne proviennent pas seulement de Grèce mais de toute la Méditerranée et se déplacent au gré des courants.
Depuis sa création, l'ONG a déjà œuvré auprès de plus de 1.200 pêcheurs qu'elle sensibilise à "la dégradation de l'environnement maritime".
Active dans 42 ports à travers toute la Grèce, elle fournit notamment aux pêcheurs de grands sacs pour les déchets marins qu'ils peuvent, une fois rentrés aux port, déposer dans une benne.
Et pour chaque kilogramme de plastique qu'ils livrent, ils perçoivent une maigre rétribution.
"Souvent c'est une somme symbolique pour (boire) un verre...", explique Lefteris Arapakis lors d'une visite organisée pour des journalistes alors que 175 pays sont réunis à Paris pour élaborer les premiers contours d'un traité contre la pollution plastique.
Déclic
Avant "on pêchait de grandes quantités de plastique mais on ne gardait que les poissons. Tout déchet était rejeté en mer", reconnaît Mokhtar Mokharam, chef d'équipe sur le Panagiota II qui participe au programme "Clean up" de l'Enaleia.
Depuis octobre 2022, 20 tonnes de plastique et de vieux matériel de pêche ont été extraites par cette ONG, qui depuis sa création en 2018 a ramassé au total plus de 597 tonnes.
Le plastique récupéré est ensuite acheminé dans une usine de recyclage où il est transformé en granulés pour fabriquer de nouveaux produits, notamment des chaussettes, des maillots de bain ou des meubles.
Parmi les déchets récupérés, 16% sont des filets de pêche. Viennent ensuite les plastiques en polyéthylène de haute et de basse densité (12,5% et 8% respectivement), des métaux (7,5%) et d'autres types de plastiques recyclables.
Le reste, soit toute de même 44%, est constitué de plastiques non recyclables.
Les déchets marins "sont difficiles à recycler, c'est un défi", reconnaît Hana Pertot, directrice des ventes de l'usine de recyclage Skyplast à Megara.
Ces plastiques, qui restent souvent longtemps dans la mer, se dégradent et leur réutilisation éventuelle est beaucoup plus limitée.
Issu d'une famille de pêcheurs professionnels depuis cinq générations, Lefteris Arapakis s'est retrouvé au chômage en 2016, lors de la crise financière.
Lors de l'un de ses premiers voyages dans l'archipel des Cyclades, il voit des pêcheurs qui rejettent en mer les déchets piégés dans leurs filets. Un déclic. Il décide de s'attaquer au problème.
"Changement de mentalité"
Des plongeurs et bénévoles de l'ONG Enaleia collectent des filets abandonnés au large de l'île de Salamine, en Grèce, le 26 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Outre la Grèce, Enaleia opère également en Italie. Cette année le projet a également démarré en Andalousie (Espagne), en Égypte et au Kenya.
Nikolaos Mentis, pêcheur sur l'île de Salamine en face de Keratsini, se réjouit de voir "plus de poissons" lorsqu'il part en mer.
"Dans le passé, l'ancre s'accrochait souvent sur des déchets de toute sorte, surtout des filets et le moteur s'éteignait", témoigne ce professionnel.
Lefteris Arapakis se félicite du "changement de mentalité" des pêcheurs qui prouve, selon lui, que "tout citoyen ou politicien peut contribuer" à améliorer l'environnement.
"Les pêcheurs se mobilisent, (c'est) une sorte de démocratie qui existe dans le changement climatique affectant surtout les bas revenus", juge le jeune homme.
Il reste pourtant réaliste face à la menace que représente la pollution des mers : "Nous faisons face au symptôme, mais pas au vrai problème", déplore-t-il alors que la production de plastiques dans le monde reste un fléau majeur.
AFP/VNA/CVN