Le «découpeur de profils» Tô Hoàng. |
L’art du portrait au ciseau est peu pratiqué au Vietnam. C’est pourtant un art authentique dont l’originalité tient autant à la dextérité de l’artiste qu’à la simplicité de l’outillage et au résultat, bien sûr.
Dans un coin du marché nocturne qui se tient chaque week-end dans la rue de Hàng Dào (rue de la Soie) dans le vieux quartier de Hanoi, le peintre Tô Hoàng est assis sur un tabouret, à côté de quelques-uns de ses portraits découpés, accrochés bien en vue et agrémentés de ces mots : «Découpage d’art : un portrait en une minute, 10.000 dôngs».
Un art de l’instantané
Malgré le brouhaha et les badauds qui le serrent de près, Tô Hoàng est parfaitement concentré sur son travail. Les ciseaux dans la main droite, une feuille de papier noire dans la gauche, il fixe intensément son modèle, une jeune fille qui pose de profil, à 1m50 de là. En moins d’une minute, devant les yeux ébahis des nombreux curieux, apparaît un profil à la ressemblance troublante. Des chuchotements d’admiration s’élèvent de la foule bigarrée.
Ça ne dure qu’en une minute. Photo : VNP/CVN |
«Le portrait au ciseau est un art original. Sa pratique demande, outre des connaissances fondamentales en dessin, une certaine persévérance et surtout de la passion», confie Tô Hoàng. Et de rappeler l’époque où il s’est pris de passion pour cet art : «Comme le croquis au crayon, je me suis mis à le pratiquer un peu partout. J’avais presque toujours les ciseaux en main, et je croquais n’importe quand et n’importe où». Croquer un visage avec des ciseaux a quelque chose d’un peu suranné, surtout à l’ère du numérique.
Mais Tô Hoàng a vu dans cette pratique un art à part entière. Il a fallu au peintre des mois de pratique pour acquérir la dextérité qui est la sienne actuellement.
Depuis que ce marché nocturne existe, Tô Hoàng vient régulièrement pratiquer ce «métier d’appoint» comme il dit. Vu ses maigres recettes, ce n’est certainement pas l’appât du gain qui le motive, mais plutôt le désir de partage, la rencontre.
Un portrait rapide et bon marché
Selon Tô Hoàng, comme tout portraitiste, le «découpeur de profils» doit parvenir à cerner et reproduire les traits caractéristiques de la personne. Afin de rendre le profil plus vivant, notre artiste a recours à un «truc» : découper d’un coup deux feuilles de papier, l’une noire et l’autre blanche. Il a ainsi deux profils qu’il juxtapose.
«Un portrait rapide et bon marché, c’est impressionnant! J’en veux un aussi», lance un badaud. Les clients sont nombreux, des jeunes surtout, parfois de touristes étrangers. Tous repartent satisfaits.
«C’est impressionnant! Je suis contente!», s’exclame une jeune cliente. |
Photo : VNP/CVN |
«C’est incroyable ! Cet artiste est très talentueux !, s’exclame Trân Thi Huyên, étudiante. Cet art est encore peu connu au Vietnam. J’ai déjà rencontré deux autres artistes de ce type, l’un à la pagode de Thiên Mu, à Huê, et l’autre au parc Dâm Sen, à Hô Chi Minh-Ville».
On l’aura compris, Tô Hoàng ne pratique cet art que par passion. Sa présence discrète presque chaque week-end a contribué à rendre ce marché nocturne encore plus sympathique. Allez donc à sa rencontre, quelque part sur un bout de trottoir de la rue Hàng Dào !
Un art pour les basses classes
Pratiquée en Chine depuis au moins la dynastie Han, la technique du papier découpé fut en vogue en Europe, notamment en France, vers la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe. Il s’agissait, à cette époque d’un art de peu de valeur, destiné aux basses classes. Si les aristocrates avaient droit à leur portrait à l’huile, les pauvres eux devaient se contenter de leur visage ou de leur silhouette découpés...
Nghia Dàn/CVN