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Le glacier Collins dont la masse a fondu depuis dix ans, le 2 février sur l'île du Roi-George, en Antarctique. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"J'ai eu l'occasion de venir ici pendant 15 ans, et à l'échelle d’une vie humaine on peut déjà constater les changements que produit le réchauffement climatique", explique Marcelo Leppe, directeur de l'Institut chilien de l'Antarctique (INACH). "Le glacier Collins montre des rochers que l'on ne voyait pas il y a cinq ou dix ans, et cela est une preuve directe du recul de ces glaciers et de la perte de masse", poursuit-il.
Mais si ces glaciers fondant à vue d'œil inquiètent les scientifiques du monde entier, la présence en Antarctique de plantes résistant aux conditions extrêmes sont aussi pour eux un motif d'espoir alors que la planète se réchauffe.
Parmi la vingtaine de pays comptant des bases scientifiques sur ce continent glacé, le Chili a installé la sienne, "Professeur Julio Escudero", sur l'île du Roi-George, où plusieurs dizaines de chercheurs travaillent à mesurer les effets de ces bouleversements sur la flore et la faune locale. "Nous avons besoin de bien quantifier ce changement pour prédire ce qui peut arriver dans un avenir proche", souligne M. Leppe.
Des blocs de glace au large du glacier Collins, le 2 février sur l'île du Roi-George, en Antarctique. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Justement, les mesures réalisées l'an dernier par les scientifiques chiliens, sur l'île de Doumer, ont montré que la température de l'eau avait atteint 2,5 degrés, alors qu'elle aurait dû se situer entre 0 et 1,5. Et à 40 mètres de profondeur, elle atteignait encore 2 degrés.
Prolifération d'algues
Ce réchauffement marin attire de nouvelles espèces, jusqu'alors inconnues en Antarctique, comme l'araignée de mer, un crabe plutôt habitué aux eaux du sud du Chili. Et il provoque aussi une prolifération d'algues vertes, essentielles pour l'écosystème local, en particulier pour les crustacés.
"Bien qu'elles soient toutes petites, les algues et les micro-algues sont très importantes pour l'équilibre de la chaîne alimentaire", précise Nelson Valdivia, professeur de la faculté de sciences de l'Université australe. "Elles fournissent des nutriments au reste de l'écosystème, et nous savons que la quantité d'espèces dans un même écosystème est très importante pour le maintenir en bonne santé", ajoute-t-il.
Mais à long terme, cet excès d'algues pourrait déséquilibrer l'écosystème et la grande crainte est de "perdre des espèces dont nous ne connaissons même pas l'existence". Les scientifiques redoutent aussi l'effet de ces températures plus douces sur le reste du monde : selon les observations de la NASA, entre 2002 et 2016, l'Antarctique a perdu 125 gigatonnes de glace par an, provoquant une hausse du niveau global de la mer de 0,35 millimètre par an.
Changements de la masse glaciaire en Antarctique entre 2002 et 2016. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'Antarctique concentrant 62% des réserves d'eau douce de la planète, son dégel n'est pas anodin et devrait notamment contribuer à désaliniser les mers du globe, un mécanisme fatal pour de nombreuses espèces marines.
Des plantes résistantes
Mais le continent blanc détient peut-être aussi la clé d'une meilleure adaptation de la flore et de la faune aux nouvelles températures de la planète. Car les plantes de l'Antarctique, qui résistent aux radiations ultra-violettes comme aux conditions climatiques extrêmes, sont désormais des outils de la biotechnologie pour élaborer des crèmes solaires, des antioxydants ou encore des sucres naturels.
Des pingouins Chinstrap près d'une station scientifique, le 2 février sur l'île du Roi-George, en Antarctique. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour survivre, ces végétaux accumulent en effet des sucres destinés à les alimenter pendant les durs mois d'hiver, sous la neige. Sous des serres miniatures, Marisol Pizarro, docteure en biotechnologie de l'Université de Santiago du Chili, étudie comment les plantes de l'Antarctique réagissent à une augmentation artificielle d'1 ou 2 degrés celsius. Son constat : les mousses résistent bien à ces nouvelles conditions, un atout qui pourrait servir à d'autres végétaux à l'avenir.
"Nous pourrions transférer un gène lié à la tolérance à la sècheresse à une plante commune comme la laitue ou le riz, afin de donner à cette plante la capacité de tolérer la sécheresse", raconte la chercheuse. "Par conséquent, elle sera moins affectée par les conditions adverses défavorables dues à la diminution de l'eau dans son environnement".
Alors que l'Antarctique est une des régions du monde qui se réchauffe le plus rapidement, les scientifiques sont engagés dans une course contre la montre : ceux du Chili y mènent actuellement une centaine de projets, de la génétique des manchots à l'influence de l'activité solaire sur l'environnement polaire, en passant par la comparaison des espèces de mollusques entre cette région et l'Amérique du Sud.