>>Le prix Nobel de physique à trois spécialistes de l'expansion de l'Univers
L'auteur de cet exploit ? Un petit radiotélescope installé en Australie, dont l'antenne a la largeur d'un réfrigérateur. Toutefois la découverte, annoncée dans la revue Nature, demande encore à être confirmée par d'autres équipes et d'autres instruments plus puissants, comme le radiotélescope SKA (Square Kilometre Array) actuellement en construction en Australie.
La communauté des astrophysiciens a été surprise par l'intensité des signaux observés, car cela laisse supposer que l'Univers s'est refroidi plus vite qu'on ne le pensait. Cela pourrait conduire à revoir les modèles cosmologiques et peut-être permettre de mieux comprendre la mystérieuse matière noire, invisible pour les télescopes mais qui compose plus du quart de l'Univers.
Document réalisé par Nature pour illustrer l'apparition des premières étoiles, le 28 février à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"La détection apparente de la signature des premières étoiles dans l'Univers sera une découverte révolutionnaire si elle résiste au temps", déclare Brian Schmidt, prix Nobel de physique 2011, qui confie son "excitation". "C'est la découverte astronomique la plus importante depuis la détection des ondes gravitationnelles en 2015", avance même Karl Glazebrook, de l'Université de technologie Swinburne en Australie.
D'autres astrophysiciens sont plus circonspects. "Il faut rester très prudent pour le moment", déclare Benoit Semelin, de l'Observatoire de Paris. "Mais si l'observation est confirmée, c'est une découverte majeure car elle impliquera de changer les modèles sur la naissance de l'Univers", ajoute-t-il. La découverte est le fruit d'un travail entamé il y douze ans par une équipe menée par l'astronome Judd Bowman, de l'Université d'État de l'Arizona (ASU).
"Bruit d'ailes d'un colibri"
"C'était un vrai défi technique" de détecter ce signal qui montre que des étoiles étaient déjà actives environ 180 millions d'années après le Big Bang, relève Peter Kurczynski, de la National Science Foundation (NSF) qui a financé l'étude.
De multiples ondes radio sont émises notamment par la Voie lactée, notre galaxie. "Les sources de bruit peuvent être 10.000 fois plus fortes que ce signal. Cela revient à se trouver au milieu d'un ouragan et à essayer d'entendre le bruit d'ailes d'un colibri", dit-il. Malgré tout, "ces chercheurs avec leur petite antenne radio dans le désert ont vu plus loin que les télescopes spatiaux les plus puissants", "ouvrant une nouvelle fenêtre vers le jeune Univers", ajoute-t-il.
L'étude a également révélé que le gaz dans l'Univers, au moment de l'apparition des premières étoiles, était beaucoup plus froid que prévu. Il aurait été de 3 degrés kelvin (-270 degrés Celsius). L'astrophysicien Rennan Barkana, de l'Université de Tel Aviv, avance une explication dans une autre étude, publiée également dans Nature.
Selon lui, la matière ordinaire serait entrée en interaction avec la matière noire et lui aurait cédé progressivement de l'énergie. "Si l'idée de Barkana est confirmée, nous aurons appris quelque chose de nouveau et de fondamental à propos de cette mystérieuse matière noire", souligne Judd Bowman. La matière noire représente 26,8% de l'Univers. Ce dernier est composé également de matière ordinaire (4,9%) et d'énergie sombre (68,3%), selon les données du satellite Planck publiées en 2013.
La matière noire ne peut absorber, refléter ou émettre de la lumière, ce qui la rend extrêmement difficile à détecter. Les scientifiques ont déduit son existence à partir de l'effet gravitationnel qu'elle semble avoir sur la matière visible. Mais pour Benoît Semelin, l'hypothèse de Rennan Barkana semble "spéculative" pour le moment.