>>Vers un test respiratoire pour détecter la tuberculose
Depuis 2013, quelque 217 Sud-Africains sur 500 patients-test dans le monde ont été mis sous traitement à la bédaquiline par le laboratoire américain Janssen et près de 3.000 devraient suivre cette année.
Alors que rien n'avait été inventé depuis 40 ans contre la tuberculose, ce médicament a reçu l'autorisation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Un patient atteint de tuberculose multirésistante est traité à l'hôpital Tshepong le 12 mars à Klerksdorp, en Afrique du Sud. |
Tous les tests cliniques ne sont pas encore terminés et le nouveau médicament coûte par ailleurs très cher, ce qui explique sa diffusion encore restreinte. L'Afrique du Sud, à l'instar de la Russie, a cependant l'intention de passer sans attendre à la vitesse supérieure.
Dans la clinique de Médecins sans frontières (MSF) au cœur du grand township de Khayelitsha au Cap, le bouche à oreille fonctionne déjà. "Tout le monde a entendu que c'est ici qu'on peut avoir le meilleur traitement", dit le médecin britannique Jennifer Hughes.
Sous sa forme multirésistante, la tuberculose est "un problème de santé publique majeur" en Afrique du Sud, souligne Norbert Ndjeka, responsable de la lutte au ministère sud-africain de la Santé.
Il y a environ 12.000 cas par an. Beaucoup contractent la maladie après avoir abandonné prématurément le traitement conventionnel par manque d'argent ou pour n'avoir pas respecté les dosages prescrits. D'autres tombent tout simplement malades au contact d'une personne déjà contaminée par le germe dans sa forme multirésistante. Pour ces patients, aucun des deux traitements conventionnels les plus puissants, l'isoniazide et le rifampin, n'agit et la bédaquiline offre une alternative prometteuse.
Il existe aussi un autre traitement similaire nouveau, le delamanid, développé par le groupe pharmaceutique japonais Otsuka. "Nous l'introduirons plus tard, autour de juin-juillet. On ne peut pas tout introduire en même temps", précise M. Ndjeka.
Maladie des mines
De façon générale, la tuberculose - curable mais mortelle si elle n'est pas soignée - est endémique en Afrique du Sud, le pays du monde où l'on a le plus de chance de l'attraper (400.000 infections par an). Dans les mines sud-africaines, elle tue deux fois plus que les accidents du travail.
Maladie du mineur aux poumons abîmés par l'insalubrité du travail sous terre, la tuberculose est aussi favorisée par l'épidémie de sida qui affaiblit les défenses immunitaires. L'Afrique du Sud compte 6,4 millions de séropositifs, un record mondial en proportion de la population totale.
Comme les autres antituberculeux, la bédaquiline a des effets secondaires loin d'être anodins. Elle peut entraîner des complications cardiaques ou des problèmes de foie.
"Pour le moment, on ne sait pas grand chose du nouveau médicament", reconnaît Andrew Black, pneumologue à l'université de Witwatersrand à Johannesburg. "Nous ne saurons pas avant plusieurs années si nous avons gagné la bataille. Mais au moins, ce n'est pas comme avec le sida, nous ne sommes pas dans le déni", ajoute-t-il, en référence à l'attitude du gouvernement sud-africain face au sida.
Ce n'est en effet qu'en 2004, après maintes tergiversations, qu'un programme de distribution gratuite de médicaments antirétroviraux avait été lancé alors que l'épidémie faisait déjà des ravages.
MSF, qui gère plusieurs dispensaires décentralisés, insiste cependant pour aller de l'avant dans l'usage de cette nouvelle molécule. "La diffusion très lente de la bédaquiline est un scandale", a critiqué en décembre 2014 l'ONG, soulignant que son usage est "crucial" en Afrique du Sud comme dans d'autres pays.
Pour les 217 premiers patients répartis dans quatre sites pilotes sud-africains, la bédaquiline avait été offerte par le laboratoire Janssen. Mais pour les quelque 3.000 à venir cette année, c'est le gouvernement qui finance, à raison de 1.000 dollars pour six mois de traitement. Dans les pays développés, la bédaquiline coûte encore plus cher (30.000 dollars pour six mois).